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LE FANTÔME DE COCK LANE

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Chapitre 1

LE POLTERGEIST DE LA RUELLE DU COQ

Le couple Kent qui s'installa dans la maison de Richard Parsons, n'avait rien d'extraordinaire. Mais, avec son arrivée, survint néanmoins une série d'événements qui firent craindre à Parsons pour son équilibre mental et même pour sa vie.

Le XVIIème siècle, baptisé « âge de raison » ou «des lumières», était, en réalité, prodigieusement crédule. Malgré les théories rationalistes de l’époque, nos aïeux étaient obnubilés par le surnaturel et l’étrange. Faut-il rappeler qu'Isaac Newton, le découvreur des lois de la gravitation, consacra un quart de siècle de sa longue existence à l'étude de l'alchimie ? Faut-il rappeler le « Club du feu de l'enfer», ce groupe de satanistes, auquel se mêlèrent des écrivains et des aristocrates connus de l'époque? Faut-il rappeler que l'un des médecins attitrés du roi George Ier d'Angleterre ruina sa réputation en soutenant les dires d'une certaine Mary Tofts qui jurait avoir mis au monde une portée de lapereaux?

Et que penser de cette servante de dix-huit ans, du nom d'Elizabeth Canning, qui en 1753 disparut pendant un mois, puis reparut en prétendant avoir été tenue en captivité dans une maison de prostitution, à Enfield, par la « mère Wells » et sa servante, la gitane Mary Squires? Ces deux femmes l'auraient laissée dans une pièce obscure avec tout juste un bout de pain et un pot d'eau. Toutefois, une intervention «angélique» l'avait maintenue en vie, et lui avait même permis au bout d'un mois de se sauver et de regagner à pied son domicile.

Malgré l'étrangeté de cette histoire, les magistrats la crurent, et envoyèrent les nommées Wells et Squires devant le tribunal de l'Old Bailey qui condamna à mort la patronne. Quant à la domestique, elle s'en tira avec la marque infamante sur l'épaule et six mois de travaux forcés. Heureusement, le Lord-Maire de Londres, Sir Crisp Gascoyne, comprit le ridicule de ce procès pour faire reprendre l'enquête : de toute évidence, les deux accusées n'étaient pas, au moment de la disparition d'Elizabeth, à l'endroit où celle-ci prétendait avoir été séquestrée. Aussi, les deux femmes furent-elles relaxées, mais pas assez tôt pour que la jolie Mary Squires puisse échapper à la marque du fer rouge ...

Cock Lane (ruelle du coq) au XIXème siècle.

Les apparitions ont lieu dans le bâtiment à trois étages sur la droite.

Dessin de 1852.

L'affaire Canning a bien des points communs avec l'un des plus célèbres sujets de discussion du siècle, le cas de « Fanny la Gratteuse», le fantôme de la ruelle du Coq. Dans les deux cas, la crédulité et les cris de la foule ont mis des vies et des réputations en jeu sur de témoignages on ne peut plus légers. Les deux cas ont donné lieu à des chansons, des poèmes, des farces théâtrales et à des controverses. Mais le recul de deux siècles et la recherche psychique moderne nous permettent aujourd'hui d'émettre l'hypothèse suivante : un phénomène paranormal a pu se produire dans la ruelle du Coq, et l'hystérie des foules du XVIII ème siècle a pu obscurci un cas réel et remarquable  de « poltergeist » classique.

La ruelle du Coq est un passage incurvé et court de la Cité de Londres, à l'extrémité du marché de Smithfield. Au milieu du XVIIIème siècle, c'était un quartier convenable,  légèrement en décadence, comprenant des maisons particulières, une taverne appelée La Gerbe de Blé, des commerces et une école de charité pour les enfants pauvres. A l'emplacement de l'actuel n° 20 vivait Richard Parsons qui gagnait sa vie comme desservant de la proche église du Saint-Sépulcre, à Snow Hill. Il avait une femme et deux filles. L'aînée, Elizabeth, avait environ onze ans lorsque débuta le mystère de la ruelle du Coq.  

Église du Saint-Sépulcre

Aujourd'hui, Parsons ferait probablement scandale dans son église, car il était alcoolique, avec une tendance à faire des dettes, spécialement auprès de son ami James Franzen, le patron de La Gerbe de blé. Toutefois, en 1759, toutefois, son habitude de boire n'était ni meilleure ni pire que celle de beaucoup d'autres membres du bas clergé! Pour résoudre ses soucis pécuniaires il hébergeait des locataires.

Au mois d'octobre de cette année 1759, Parsons fit la connaissance d'un couple paraissant honorable qui se présenta comme Mr. et Mrs. William Kent, récemment arrivés du Norfolk et soucieux de trouver un logement, en attendant que leur maison fût prête à Clerkenwell.

Parsons fut d'autant plus heureux de les accueillir, que William Kent lui paya le loyer anticipativement et qu'il lui prêta 12 guinées (remboursable à raison d'une guinée par mois).

Bientôt, propriétaire et locataires furent en termes suffisamment amicaux pour que William mît Parsons dans son secret : lui et son « épouse » Françoise, connue sous le diminutif de Fanny, n'étaient pas mariés. Deux ans auparavant, William avait pris une auberge et un bureau de poste au village de Stoke Ferry, dans le Norfolk, et il avait épousé Elizabeth Lynes, la fille d'un riche épicier. Malheureusement, Elizabeth qui n'était pas robuste, eut une grossesse difficile, pendant laquelle sa sœur Fanny vint chez les Kent pour veiller sur elle. Elizabeth mourut en couches et son enfant mourut au bout d'un mois.

Après avoir traversé ensemble cette tragédie, William et Fanny étaient devenus très intimes, mais la loi de l'époque interdisait le mariage entre beau-frère et belle-sœur, tant et si bien que le couple s'était résolu à vivre "dans le péché". Venant s'installer à Londres au cours de l'été de 1759, ils avaient décidé de se prouver leur amour et leur confiance en se faisant un testament réciproque en faveur l'un de l'autre, ce qu'on appelle une «donation au dernier vivant». Fanny y trouvait son avantage, car William avait une grosse fortune.

Le premier indice indiquant qu'il se passait quelque chose d'étrange dans la maison de la ruelle du Coq, se produisit en cet automne de 1759. Kent était absent pour ses affaires, et Fanny avait donné congé à sa domestique, Esther Carlisle, une rouquine connue sous le sobriquet de « Carotte» ! Fanny, ressentant de l'inquiétude à l'idée de dormir seule, demande à la fille aînée de Richard Parsons, Elizabeth, de venir la nuit auprès d'elle. Pendant les quelques nuits où elles dormirent côte à côte, elles furent toutes les deux réveillées par des coups semblant venir de la boiserie de la chambre. Elizabeth posant des questions sur ce bruit, Mrs. Parsons lui répondit que c'était probablement le cordonnier voisin qui avait l'habitude de travailler tard le soir. Quand le bruit recommença au cours d'une nuit de dimanche, la famille s'alarma sérieusement : le savetier était absent. Or, tout le monde entendit les coups : les Parsons, Fanny et Elizabeth ... Le bruit se poursuivit nuit après nuit. La tranquillité de la maisonnée était troublée, et avec elle, les bonnes relations entre Richard Parsons et William Kent.

Le desservant Richard Parsons avait refusé le remboursement prévu de la guinée mensuelle à son locataire William Kent, et ce dernier qui était maintenant sur le point d'aller s'installer dans sa propre maison à Clerkenwell, remit l'affaire entre les mains de son avocat. L'ivrogne, plein de rancune, réagit en divulguant un peu partout autour de lui la situation irrégulière du couple Kent.

Au mois de janvier, les Kent partirent pour Clerkenwell, mais le plaisir de s'établir enfin dans leur propre demeure fut gâché par le fait que Fanny, enceinte de six mois, était tombée gravement malade. William engagea un médecin et un pharmacien pour la soigner, et le docteur diagnostiqua une attaque de « petite vérole d'une nature très virulente».

Pour ce bon dévot de Parsons, la maladie de Fanny lui avait été envoyée «en punition de ses péchés ». Les coups sur la boiserie n'ayant pas diminué, il commença à formuler une théorie là-dessus : c'était la manifestation de la sœur morte de Fanny, Elizabeth. Ses suspicions semblèrent se confirmer quand lui et son ami Franzen eurent tous les deux une expérience effrayante, vers la fin du mois de janvier.

Le cabaretier Franzen était venu voir Parsons chez lui. Ne le trouvant pas, il s'assit un instant en compagnie de sa femme et de ses deux filles. Les coups persistants le terrifièrent, et il se leva pour quitter la maison. Comme il atteignait la porte de la cuisine, « il vit passer près de lui quelque chose en blanc, apparemment dans un drap de lit, qui s'élança et grimpa l'escalier». La vision avait une luminosité suffisante pour éclairer l'horloge de l'école de charité qui se trouvait de l'autre côté de la rue. Franzen, en pleine frayeur, courut vers sa boutique pour se réconforter avec de l'eau-de-vie. Il avait à peine levé son verre qu'il entendit un coup retentissant contre sa porte d'entrée. Quand il eut retrouvé le courage de l'ouvrir, il trouva Parsons sur le seuil, pâle et balbutiant de peur.

(Illustration)

«Donne-moi le plus grand verre d'eau-de-vie que tu aies, demanda le desservant. Oh ! Franzen ! Juste comme j'arrivais chez moi, j'ai vu le fantôme! »

« Et moi aussi, répliqua le patron. Et depuis j'en suis tout effrayé, tout retourné. Bénis-moi! Qu'est-ce que ça signifie, tout ça? C'est inexplicable! »

Pendant ce temps-là, il se passait une scène différente, mais non moins pénible à Clerkenwell : Fanny était en train de mourir. Une relation de William Kent, le révérend Stephen Aldrich de l'église Saint-Jean (à Clerkenwell), ainsi que le médecin et le pharmacien ne quittaient pas le chevet de la moribonde, de nuit comme de jour. Enfin, le soir du 2 février 1760, Fanny rendit l'âme.

William, écrasé de douleur, commanda un cercueil convenable. Mais, par peur de poursuites judiciaires (on ne badinait pas, alors, sur la morale !), il demanda à l'entrepreneur des pompes funèbres de ne pas mettre de plaque avec le nom de la morte sur le couvercle. Le cercueil de Fanny fut placé sous les voûtes de Saint-Jean, datant du Xllème siècle ...

Les coups dans la ruelle du Coq se poursuivirent pendant plusieurs mois, comme il en ressort du témoignage des deux nouvelles locataires, Catherine Friend et Joyce Weatheral, qui dirent avoir quitté cette maison plutôt que de supporter plus longtemps ce vacarme.

En proie à l'épouvante, Parsons appela un charpentier, Bateman Griffithy, avec ordre de démonter la boiserie pour rechercher la cause de ces perturbations : on ne trouva rien, et l'artisan remit en place les panneaux. Alors, Parsons, au bord de la folie, fit appel au révérend John Moore, curé de St. Barthelemy le Grand, à West Smithfield, pour faire une enquête sur les possibilités surnaturelles...

 

Le Fantôme de Coq Lane

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ASTRAL 2000 - Gérard - Septembre 2016

 

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