Mme Blavatsky, pseudo-médium ?

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Mme Blavatsky

En 1850, au cours d'un voyage en Méditerranée, le peintre américain A.L. Rawson fit escale au Caire, à l'époque ville cosmopolite où de nombreux artistes et bohèmes venus des autres coins d'Europe avaient élu domicile.

Peu après son arrivée, Rawson fit la connaissance d'une certaine Mme Blavatsky qui se disait princesse russe. Fasciné par cette jeune femme qui, vêtue d'une tenue arabe, fumait le haschich et s'adonnait aux sciences occultes, Rawson rapporte plusieurs anecdotes à son sujet. En voici une : en compagnie d'un ami, Mme Blavatsky se rendit un jour chez un magicien copte dans l'espoir de devenir son élève. Elle déclara : « Nous sommes étudiants. Nous avons entendu parler de vos grands pouvoirs et nous voulons étudier avec vous ». Paulos Metamon, le magicien, leur répondit : « Vous ne m'abusez pas. Vous êtes deux Feringhees (Européens) déguisés. Je sais que vous êtes à la recherche du savoir. Moi, je veux de l'argent ». Cette mise au point brutale termina l'entretien.

Reste à prouver toutefois la véracité de cette histoire. Mme Blavatsky se trouvant effectivement au Caire de 1850 à 1851, Rawson a très bien pu l'inventer de toutes pièces. La personnalité du célèbre médium était telle que nombre de récits plus incroyables les uns que les autres circulèrent sur son compte. Voici ce qu'elle déclara à ce sujet dans une lettre datée de mars 1875 : « Pas un jour ne se passe sans que les journaux n'inventent de nouvelles histoires sur moi : " ... Blavatsky a rencontré Livingstone en Afrique et ils ont tous deux fait un voyage en ballon ... Aux îles Sandwich, Blavatsky a dîné avec le roi cannibale ... Blavatsky a converti le pape au spiritisme ... Elle a prédit à l'empereur Napoléon III sa mort prochaine... La reine d'Espagne avait des verrues, Blavatsky les a guéries grâce au spiritisme ... " et ainsi de suite. Ils ont même dit que j'avais passé plusieurs jours à Salt Lake City et que, grâce à moi, Brigham Young avait renoncé à la polygamie ».

Mme Blavatsky serait-elle elle-même à l'origine de tous ces bruits? Certains le croient. En tout cas, on doit reconnaître que sa vie ne fut pas banale.

Madame Blavatsky, née en Ukraine en 1831 sous le nom de Helena Petrovna von Hahn, eut pour père un officier russe d'origine allemande. En 1849, elle épousa le général Blavatsky, vice-gouverneur d'Erivan (U.R.S.S.). Si l'on en croit son cousin, le comte Witte, elle abandonna assez vite son mari pour s'engager comme écuyère dans un cirque. Quelque temps plus tard, sans être divorcée, elle épousa un chanteur d'opéra du nom de Metrovitch. Il semble qu'un enfant soit né de cette union.

Sa vie avec Metrovich n'étant qu'une succession de disputes et de réconciliations, elle le quitta pour devenir l'assistante de D.D. Home, l'un des plus grands médiums spirites de l'époque.

Quelques temps après, elle n'hésita pas à se remarier pour la troisième fois avec un Anglais dont le nom ne nous est pas connu. Cette union fut aussi de courte durée.

En juillet 1871, Metrovitch trouva la mort dans l'explosion du paquebot Eumonia. Mme. Blavatsky, qui se trouvait aussi à bord survécut, et fut recueillie par un cargo qui la déposa en Égypte.

Les années qui suivirent, furent marquées par l'errance et la pauvreté. En 1873, elle arrivait à New York où elle vécut pendant quelques mois dans le plus extrême dénuement, n'ayant pour tout revenu que le produit de la vente de fleurs artificielles qu'elle confectionnait.

Tout changea le jour où elle rencontra le colonel Henry Olcott, avocat et journaliste, adepte du spiritisme. La rencontre eut lieu dans le Vermont, à la ferme des frères Eddy, célèbres « médiums à matérialisation » de l'époque. Si l'on en croit les témoins, la ferme fut le théâtre de manifestations extraordinaires. Par exemple, Mme Blavatsky aurait vu apparaître l'esprit de son père décédé. Le père et la fille auraient tenu une conversation en russe et, avant de s'éloigner, l' « esprit » aurait laissé comme preuve une médaille avec laquelle il avait été enterré. Ce dernier détail, porté à la connaissance du public, provoqua de vives contestations. Les adversaires de Mme Blavatsky affirmèrent qu'elle avait inventé cette histoire de toutes pièces, car un soldat russe n'était jamais enterré avec ses médailles.

Blavatsky et Olcott en 1888

Henry Olcott portait un grand intérêt à tout ce qui se passait à la ferme des frères Eddy et, ayant remarqué que les manifestations de l'au-delà étaient nettement plus nombreuses lorsque Mme Blavatsky était présente, il en déduisit qu'elle possédait des talents médiumniques remarquables. La personnalité du médium le fascinait. Il aimait écouter le récit de ses aventures en Russie et en Mongolie, et il était charmé par ses « yeux bleus mystiques ». Mme Blavatsky, quant à elle, appréciait la bienveillance et la générosité de Olcott. Le début de leur amitié se traduisit par une grande aide financière, la tâche lui étant facilitée par les instructions précises qu'il « recevait de l'au-delà », consignées dans des lettres qu'il trouvait sur son bureau ou dans ses poches. Henry Olcott était sans doute conscient que l' « apparition » de ces remarquables messages coïncidait en général avec la présence dans les parages de Mme Blavatsky ... Cependant, il ne douta jamais de son amie.

Elle soumit pourtant leur amitié à rude épreuve. Décidément attirée par le mariage, elle épousa (toujours illégalement) un jeune Arménien du nom de Michael Bettanelly. La «jeune mariée » ne tarda pas à se séparer de son conjoint, car, affirma-t-elle, « elle ne pouvait supporter ses obsessions sexuelles », manies d'autant plus inacceptables qu'ils s'étaient préalablement entendus sur un mariage « blanc ». « De toute façon, concluait-elle, elle n'était pas elle-même lors de ce mariage. C'est un esprit malin qui, temporairement, avait agi à sa place » ...

Le 7 septembre 1875, Henry Olcott et ‘’H.P.B.’’(Helena Petrovna Blavatsky) - c'est ainsi que ses amis appelaient désormais Mme Blavatsky - assistaient à une conférence donnée sur le thème de la « signification occulte des pyramides». Henry Olcott se montra vivement intéressé. Notamment lorsque le conférencier affirma que l'on pouvait évoquer des esprits en utilisant des formules géométriques. Il posa par écrit la question suivante à son amie : « Ne pensez-vous pas que ce serait une bonne idée de fonder une société consacrée à l'étude de ces phénomènes ? »

Locaux de la Société Théosophique à Adyar (Inde)

Moins de quinze jours plus tard, dans une lettre adressée à un de ses correspondants, Mme Blavatsky fit part de la création de la nouvelle société : « Olcott s'occupe en ce moment de l'organisation de la Société théosophique à New York ». Le terme théosophie, qui signifie littéralement « sagesse divine », était utilisé au XVIIIème siècle comme synonyme de « religion mystique ». Le choix de cette dénomination donna naissance à de bien regrettables confusions, spiritisme et théosophie étant fort éloignés l'un de l'autre. « Parmi ses membres, la société comptera de grands occultistes ..., des passionnés de l'histoire antique, notamment de l'histoire égyptienne. Notre but est de comparer systématiquement le spiritisme et la magie des Anciens en suivant à la lettre les instructions de la cabale ... Cela fait de nombreuses années que j'étudie la philosophie d'Hermès, en théorie et en pratique, et je suis de plus en plus convaincue que le spiritisme, dans ses manifestations physiques, n'est rien d'autre que ... la lumière astrale de Paracelse ... »

Les « comparaisons systématiques » mentionnées ci-dessus étaient pour le moins étranges. L'une de ces expériences consista, par exemple, à appliquer un léger courant électrique à un chat. La pauvre bête soumise à ce traitement fit un bond en l'air. Ce qui, d'après les nouveaux théosophes, prouvait que la lévitation était un phénomène électrique. Dans le but de confirmer leur théorie, ils recommencèrent l'expérience en augmentant la puissance du courant électrique, mais ... le pauvre chat expira !

Dans ces conditions, on comprend que la Société ait eu à ses débuts bien du mal à recruter de nouveaux adhérents. Tout changea deux ans plus tard, en 1877, avec la parution de « Isis dévoilée », le célèbre ouvrage de Mme Blavatsky. Si l'on en croit Olcott, la main de l'auteur était guidée par des esprits : « Son crayon volait sur le papier... Soudain, elle s'arrêtait, le regard vide, perdu dans une vision intérieure... Puis elle recommençait à noter ce qu'elle venait de voir ».

A première vue, l'érudition de Madame Blavasky semble impressionnante. En fait, ses grandes connaissances se révèlent vite des plus éclectiques et superficielles. Un expert américain, W. E. Coleman, a calculé qu'au moins 2 000 passages avaient été plagiés. La lecture de l'ouvrage est, de plus, rendue très ardue par les logorrhées répétitives de l'auteur, qui s'arrange toujours pour composer tout un paragraphe là où une seule phrase aurait suffi. D'autant que les doctrines exposées sont en fait relativement simples.

Elle affirma en premier lieu que les phénomènes physiques et psychiques (tables tournantes, raps, matérialisations) observés au cours des séances spirites étaient déjà connus dans l'Antiquité. La plupart des penseurs et philosophes anciens auraient d'ailleurs été de « grands médiums contactés » par des esprits plus avancés que ceux qui se manifestent actuellement. L'étude de la vie et de l'œuvre de ces penseurs permettrait aux médiums du XIXème siècle de communiquer avec des esprits supérieurs.

D'autre part, elle déclare que les anciens traités d'alchimie et de magie cachaient sous leur symbolisme ardu de nombreuses vérités scientifiques et spirituelles de la plus haute importance. Ceux qui possédaient les « clés » de ce savoir ésotérique (ce qui évidemment était son cas de !) pouvaient ouvrir les portes de la sagesse, de la beauté et de la vérité. Il est à noter d'ailleurs que, tout au long de l'ouvrage, Mme Blavatsky fait de constantes allusions à la mission que lui aurait confiée une société secrète. Bien que cette mission ne soit jamais clairement définie, on comprend qu'il s'agit de ressusciter les anciennes vérités spirituelles dans le monde matérialiste du XIXème siècle.

« Isis dévoilée » connut un modeste succès de librairie, elle s'occupa d'avantage de la Société théosophique et de ses fondateurs. L'année suivante, D.D. Home publia un livre où il ne ménageait pas ses critiques envers Mme Blavatsky. Excédée, cette dernière, toujours accompagnée d'Olcott, décida d'aller s'installer en Inde : « Je veux aller vivre là où personne ne connaîtra mon nom », déclara-t-elle avant son départ.

L'Inde réussit à la Société théosophique, qui recruta de nombreux adhérents tant parmi les Anglais que parmi les autochtones. Le journaliste A.P. Sinnett, l'un de ses nouveaux disciples, devait jouer un rôle important dans l'histoire de la Société. Il se convertit à la nouvelle doctrine, après avoir été le témoin des « miracles » qu'accomplissait Mme Blavatsky.

Inde 1880, EP Blavatsky et ses compagnons

En voici un exemple : un jour que Sinnett prenait part à un pique-nique, il vit se matérialiser devant ses yeux une tasse et une soucoupe qui manquaient à un invité. Ce miracle aurait été le fait des « mahatma », les grands maîtres de l'Himalaya dont Mme Blavatsky se disait l'élève.

Après ce pique-nique assez extraordinaire, certains nouveaux adhérents de la Société demandèrent à entrer en contact avec les mahatma. Sinnett rédigea une lettre et la confia aux bons soins de Mme Blavatsky. Quelques jours plus tard, une lettre d'un certain « mahatma Koot Hoomi » apparut mystérieusement sur son bureau. Ce fut le début d'un long échange épistolaire. Sennett posait par écrit toutes sortes de questions sur des sujets occultes, sur la nature de la lune, par exemple, ou sur le continent perdu l'Atlantide. Puis, il envoyait ces lettres aux mahatma. Toujours par l'intermédiaire de H.P.B., les mahatma ne manquaient jamais de lui répondre en temps voulu.

Sur la base de ces informations, Sennett écrivit Esoteric Buddhism, ouvrage dans lequel il expose un système occulte complexe, fruit du mélange de plusieurs thèmes différents, évolution spirituelle par la réincarnation, gouvernement secret du monde et sagesse des initiés.

Esoteric Buddhism et The Occult World, autre ouvrage de Sennett consacré principalement à des phénomènes miraculeux, se vendirent bien. La Société théosophique s'agrandit considérablement et s'implanta en Angleterre, en France et dans d'autres pays européens.

" The Masters Revealed : Madame Blavatsky and the Myth of the Great White Lodge "

Johnson Paul, Albany : State University of New York Press, 1994

C'est ainsi qu'en 1884, Mme Blavatsky et Olcott vinrent rendre visite à leurs nouveaux disciples. Lors de leur séjour à Londres, ils prirent contact avec la Society for Psychical Research (la S.P.R.) pour leur rendre compte des miracles dont ils avaient été témoins. La S.P.R. décida alors d'envoyer un enquêteur en Inde. Les résultats de l'enquête furent catastrophiques. Tout accusait Mme Blavatsky : ses prétendus « miracles » étaient fabriqués de toutes pièces. Quant aux lettres des mahatma, il s'agissait de feuilles de papier glissées par des trous situés dans les chevrons du plafond. Ses plus proches collaborateurs l'aidaient dans toutes ces opérations frauduleuses.

Voici ce que déclarèrent les enquêteurs : « Mme Blavatsky n'est pas le porte-parole de maîtres cachés. Elle n'est pas non plus une banale aventurière. La postérité se souviendra d'elle comme de l'un des plus ingénieux imposteurs de tous les temps ». Mais l'existence de la Société ne fut pas remise en question pour autant.

Mme Blavatsky consacra les années qui suivirent à la rédaction de La Doctrine secrète, vaste ouvrage où elle définit le système exposé par Sinnett dans Esoteric Buddhism. Jusqu'à sa mort qui survint le 8 mai 1891, elle continua à donner des conférences, principalement en Angleterre, et à écrire de nombreux articles et essais. La société qu'elle a fondée lui a survécu. Les difficultés d'évolution et les schismes n'ont pas entamé sa popularité.

Mme Blavatsky reste un personnage fortement controversé, notamment depuis la célèbre enquête de la S.P.R. Pourtant, nombreux sont ceux qui affirment avoir réussi à mieux comprendre le sens de la vie grâce à ses écrits…

Astral 2000 -Gérard - Août 2016

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