La synchronicité

Mots-Clés : Carl Gustav Jung,scarabée doré,synchronicité,coïncidences

Synchronicite« Il est parfaitement possible que l'inconscient ou un archétype prenne possession complète d'un homme et détermine son destin jusqu'au moindre détail. Simultanément, des phénomènes parallèles non psychiques peuvent avoir lieu et ceux-ci représentent également l'archétype. Il est avéré que l'archétype se fait réalité non seulement psychiquement chez l'individu, mais objectivement à l'extérieur de celui-ci »

« Les événements synchronistiques reposent sur la simultanéité des deux états psychiques différents. »

« J'emploie donc ici le concept général de synchronicité dans le sens particulier de coïncidence temporelle de deux ou plusieurs événements sans lien causal entre eux et possédant un sens identique ou analogue. Le terme s'oppose à ''synchronisme'', qui désigne la simple simultanéité de deux événements. La synchronicité signifie donc d'abord la simultanéité d'un certain état psychique avec un ou plusieurs événements parallèles signifiants par rapport à l’état subjectif du moment, et - éventuellement - vice-versa. »

« J’entends par synchronicité les coïncidences, qui ne sont pas rares, d’états de fait subjectifs et objectifs qui ne peuvent être expliquées de façon causale, tout au moins à l’aide de nos moyens actuels »

« Une synchronicité apparaît lorsque notre psychisme se focalise sur une image archétypale dans l'univers extérieur, lequel comme un miroir nous renvoie une sorte de reflet de nos soucis sous la forme d'un événement marqué de symboles afin que nous puissions les utiliser. Nous nous trouvons face à un ''hasard'' signifiant et créateur. »

« Une jeune patiente eut à un moment décisif du traitement un rêve dans lequel elle recevait en cadeau un scarabée doré. Pendant qu’elle me rapportait le rêve, j’étais assis le dos à la fenêtre fermée. Tout à coup, j’entendis derrière moi un bruit, comme si l’on frappait légèrement à la fenêtre. Je me retournais et vis qu’un insecte, en volant, heurtait la fenêtre à l’extérieur. J’ouvris la fenêtre et capturai l’insecte au vol. Il offrait la plus étroite analogie que l’on puisse trouver à notre latitude avec le scarabée doré. C’était un hanneton scarabéide qui s’était manifestement amené, contre toutes ses habitudes, à pénétrer dans une pièce obscure juste à ce moment. Je dois dire tout de suite qu’un tel cas ne s’est jamais produit pour moi, ni avant ni après, de même que le rêve de ma patiente est demeuré unique dans mon expérience. »

« Une fréquentation de la psychologie des phénomènes inconscients m’a forcé, depuis un grand nombre d'années déjà, à me mettre à la recherche d'un autre principe d'explication, puisque le principe de causalité me paraissait insuffisant pour éclairer certains phénomènes remarquables de la psychologie inconsciente. Je découvris en effet l'existence de phénomènes psychologiques parallèles entre lesquels il n'est absolument pas possible d'établir une relation causale mais qui doivent être dans un autre ordre de connexions. Une telle connexion me parut consister essentiellement dans la simultanéité relative, d'où le nom de ''synchronicité''. On dirait, en effet, que le temps n'est rien moins qu'une abstraction, mais bien plutôt un continuum concret renfermant des qualités ou des conditions fondamentales qui peuvent se manifester dans une autre relative simultanéité en différents endroits, selon un parallélisme dénué d'explications causales : c'est le cas par exemple de l'apparition simultanée de pensées, de symboles ou d'états psychiques identique »

« Ne devrions-nous pas quitter tout à fait les catégories spatio-temporelles quand il s'agit de la psyché? Peut-être devrions-nous définir la psyché comme une intensité sans étendue et non point comme un corps qui se meut dans le temps »

 « La psychologie n’est pas uniquement un fait personnel. L’inconscient, qui possède ses propres lois et des mécanismes autonomes, exerce sur nous une influence importante, que l’on pourrait comparer à une perturbation cosmique. L’inconscient a le pouvoir de nous transporter ou de nous blesser de la même façon qu’une catastrophe cosmique ou météorologique »

« Comme psyché et matière sont contenues dans un seul et même monde, qu’elles sont en outre en contact continuel l’une avec l’autre …, il n’est pas seulement possible, mais, dans une certaine mesure vraisemblable, que matière et psyché soient deux aspects différents d’une seule et même chose. Les phénomènes de synchronicité indiquent, me semble-t-il, une telle direction, puisque, sans lien causal, le non-psychique peut se comporter comme le psychique, et vice versa »

Carl Gustav Jung (1875 – 1961)

Scarabee dore

La synchronicité est un «principe de relation acausale», selon les termes de C. G. Jung qui créa le mot. C'est-à-dire qu'on peut utiliser la notion de synchronicité pour relier une série d'événements entre lesquels il semble exister un lien, mais sur lesquels il n'existe pas de preuve suffisante pour établir entre eux un rapport de cause à effet. Par exemple, si deux personnes découvraient qu'elles se sont rencontrées par hasard un certain nombre de fois dans la rue - dans des rues différentes, mais toujours devant une maison ayant une porte d'entrée verte - il ne serait pas possible de trouver le moyen d'établir la preuve permettant de lier avec certitude le vert des portes et la nature des rencontres. Tout ce que l’on pourrait dire, c'est qu'il semble y avoir un rapport inexplicable et qu'il apparaît improbable que le vert des portes soit la cause des rencontres. On peut alors dire qu'il y a là un cas de synchronicité. Le mot signifie qui se produit en même temps et l'un des moyens d'expliquer l'opéra lion consiste à imaginer que la série de rencontres par hasard et la présence de portes d'entrée vertes sont le résultat d'un processus beaucoup plus vaste - voire d'ordre cosmique - qu'iI est impossible d'appréhender. Exprimé de façon symbolique, c'est comme si une grande main cosmique s'enfilait dans un gant composé des éléments du monde matériel et agitait les doigts. L'action du pouce provoque les rencontres dans la rue, tandis que le petit doigt les associe à un sous-produit de sa propre activité, l'incidence des portes vertes.

Jung publia sa propre interprétation de la synchronicité en 1952, en fondant son argument sur du matériel tiré de l’astrologie. Il se servit d'un lot de 180 horoscopes de couples mariés qui avaient été rassemblés quelques années auparavant à des fins astrologiques. Jung savait que les astrologues avaient échoué dans leurs tentatives d'apporter une preuve statistique de leurs méthodes, mais il admettait qu’il était «simplement concevable» que l'astrologie reposât sur une base causale. L'étude des horoscopes le convainquit toutefois qu'il existait un rapport effectif entre les corrélations astrologiques traditionnelles et l'existence de ses sujets. Les chances qu'il en soit ainsi étaient énormes; ainsi que l'écrivit Jung: «Vous prenez des boîtes d'allumettes, vous mettez 1.000 fourmis noires dans la première, 10.000 dans la seconde et 50 dans la troisième, plus une fourmi blanche dans chacune d'elles; vous fermez les boîtes et faites un trou dans chacune d'elles, assez petit pour ne livrer passage qu'à une seule fourmi à la fois. La première fourmi à sortir des boîtes est toujours la blanche».

Pour expliquer ce résultat remarquable, Jung mit au point la notion de synchronicité, dont il découvrit des traces chez des écrivains magiques et ésotériques. Le principe de liaison doit résider dans l’« importance égale d'événements parallèles». La synchronicité pourrait s'appliquer au monde intérieur de l'homme. «Une seule et même signification (transcendantale) pourrait se manifester simultanément dans la psyché de l'homme et dans la forme d'un événement extérieur et indépendant.»

Le problème, avec les méthodes de prédiction fondées sur les signes du zodiaque, quels qu'ils soient, c'est qu'il semble n'exister aucun rapport entre ces signes et leur signification. La configuration momentanée des astres, l'état d'un foie de mouton, le vol des oiseaux, les traînées de marc de café dans une tasse n'ont aucun rapport concevable avec la guerre ou la mort, l'amour ou l'argent, ou l'issue future d'une situation. On continue cependant à attribuer à ces éléments aléatoires la valeur de présages.

Ceci dit, le professeur Carl Gustav Jung, psychiatre suisse et fondateur, avec Sigmund Freud, de la psychanalyse, estimait que ces méthodes de prédiction peuvent donner des résultats intéressants. Ses travaux l'amenèrent fréquemment sur les confins mystérieux de la psyché humaine, et il dut admettre que de nombreux individus ont leur vie ponctuée de phénomènes de coïncidences et de prophéties réalisées.

Jung acquit la conviction qu'un processus de conjonction, distinct mais complémentaire du principe de causalité, est à l'œuvre dans l'univers, et qu'il se manifeste en une apparente corrélation entre la psyché de l'homme et le monde extérieur. Il nomma ce principe « synchronicité » et consacra en grande partie la fin de sa vie à en expliquer le fonctionnement.

Dans cette entreprise, il s'efforça de surmonter une difficulté majeure, celle d'exposer un processus non causal à des auditoires conditionnés par une conception du monde exclusivement causale. Son traité systématique sur ce sujet, intitulé « La Synchronicité, principe non causal de corrélation », publié en 1952, s'évertue à éviter de donner l'impression que les agents de la synchronicité ont un caractère causal.

Selon Jung, ces agents se trouvent dans ce qu'il nomme les archétypes de la psyché. Un archétype apparaît dans le conscient comme une sorte de symbole. Il ne procède pas du conscient, mais il y surgit, dans toute sa potentialité, du fond de l' « inconscient collectif », lequel est dépositaire d'archétypes communs à tous les hommes. De même que, tous, nous possédons un fonds commun de traits génétiques, de même, tous, nous avons reçu un fonds commun de matériaux psychologiques, qui n'émergent dans la conscience qu'au cours des rêves ou des rêves éveillés.

C g jung

Carl Gustav Jung

Médecin psychiatre suisse (26 juillet 1875 - 06 juin 1961)

Des exemples d'archétypes récurrents trouvés par Jung dans ses propres rêves et ceux de ses patients, dans le folklore et les mythes de tous les pays et de tous les temps, sont ceux du vieux sage, homme ou femme, de la mère, du filou, de l'enfant magique, de l'arbre et du mandala (schéma symbolique de l'univers). A l'image des gènes (dispositions ordonnées de molécules d'ADN, elles-mêmes réparties de façon ordonnée dans les chromosomes), qui incarnent l'ordre et créent des schémas de croissance, les archétypes, sur le plan psychologique, incarnent l'ordre et, en leur présence, s'instaure un ordre nouveau.

Jung devait ensuite expliquer comment l'archétype, en vertu de son ordre inhérent, crée un ordre de façon non causale. Un exemple médical fournit un modèle approximatif du processus. La pénicilline est efficace contre l'infection bactérienne, car ses molécules présentent une affinité partielle avec les molécules des parois de la cellule bactérienne. Quand celle-ci, « abusée » par cette quasi-similitude, incorpore une molécule de pénicilline dans sa paroi, la paroi s'affaiblit (à cause de l'adaptation défectueuse), entraînant la mort de la bactérie.

La molécule de pénicilline a contribué au processus, mais passivement : en sa présence, la bactérie a modifié son ordre moléculaire interne de façon fatale. Le rôle de la pénicilline est donc simplement contingent, mais non causal.

D'une manière analogue, l'archétype fait office d'un catalyseur psychique, dont la présence déclenche le déroulement d'expériences psychiques ordonnées, où souvent se trouve impliqué le monde extérieur.

Comment est-ce possible? Un autre exemple nous aidera à le comprendre. Il est établi que certains oiseaux migrateurs se guident sur les étoiles. Le sens du temps et l'image mentale du ciel nocturne que possèdent génétiquement les oiseaux représentent le plan psychique; les étoiles représentent le plan physique. Lorsque ces deux plans s'imbriquent pour mettre les oiseaux sur la bonne voie, on constate la présence du catalyseur psychique, ou archétype. Dans ce cas aussi, les archétypes (l'horloge interne et l'image mentale génétique) jouent un rôle contingent, non causal.

De même, nombre d'êtres humains, réagissant au pouvoir de schémas psychologiques innés, se trouvent entretenir des relations variées et modificatrices avec le monde extérieur.

Jung laissa sans réponse la question la plus importante : quelle est la nature précise de cette relation synchronique entre le psychique et le physique?

Selon lui, cette relation était l'équivalent psychologique des équations du physicien, et il lui apparut que son essai d'explication de « l'identité partielle et relative de la psyché et du continuum physique » restait incomplet, une assistance appropriée de la physique mathématique lui faisant défaut. Cette théorie de la synchronicité n'a été ni prouvée ni infirmée. Et il se peut que certains individus possèdent des informations génétiques inconscientes (dites archétypales) qui se trouvent en relation avec leur apparente faculté de prédire l'avenir.

 

Jung - Carl Gustav Jung

Synchronicité et Paracelsica, Paris, Albin Michel, coll. « Œuvres inédites de C. G. Jung », 1988 (ISBN 2-226-02820-X) Comprend : "La synchronicité, principe de relations acausales" (1952) p. 19-119

"Sur la synchronicité" (1951) p. 263-277 ; "Une expérience astrologique" (1958) p. 279-290

"Lettres sur la synchronicité" (1950-1955) p. 291-301 ; préface au Yi king (1948) p. 309-332.

 

Astral 2000 - Gérard - Octobre 2018

 

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