Les Dogon 2 *

*Il n'existe pas en France de véritable consensus sur l'orthographe des noms de peuples africains. Ceux qui correspondent à leur forme dans la langue, ou qui en sont proches, sont le plus souvent laissés invariables : Bambara (plus récemment Bamana), Knurournba, Mossi, Fon ... Les termes purement français, absents des langues concernées (Mandingue, Peul, Touareg ...), s'accordent en genre et en nombre. En ce qui concerne le nom des Dogon, les premiers ethnologues l'ont d'abord accordé au pluriel, mais pas au féminin ; on trouve donc dans les publications anciennes "les Dogons", mais "les femmes dogons". Plus tard, on a réalisé que Dogon était la forme du pluriel et on a pris l'habitude de la laisser invariable. Sources : « Contes dogon du Mali », CALAME-GRIAULE Geneviève, KARTHALA Editions, 01 oct. 2006

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Si les récits dogon relatent un événement aussi prodigieux que l'arrivée sur la terre d'êtres venus d'une autre galaxie, d'autres mythologies doivent aussi en garder mémoire. C'est en effet le cas. La tradition babylonienne parle des oannès, êtres amphibies, qui vinrent sur la terre pour le bien des hommes. Leur vaisseau, en forme d'œuf, se posa sur la mer Rouge. Les descriptions qui suivent sont extraites d'une histoire de la Mésopotamie, écrite au IIIème siècle avant J.-C. par le prêtre chaldéen Bérose et dont ne nous sont parvenus que des fragments, recueillis plus tardivement par des historiens grecs : les oannès avaient «l'aspect d'un poisson combiné avec celui d'un homme », une « forme compliquée, entre le poisson et l'homme, et à mi-chemin entre les hommes et les dieux ». Ils étaient d'aspect repoussant, « Tout le corps de l'animal était comme celui d'un poisson et présentait sous une tête de poisson une autre tête ainsi que, associés à une queue de poisson, des pieds semblables à ceux d'un homme. Sa voix et son langage articulé étaient humains… Dans la journée, cet être conversait avec les hommes, mais ne se nourrissait pas; il les initiait aux lettres, aux sciences, à toutes les formes d'art. Il leur enseignait à construire des maisons, à fonder des temples, à rédiger des lois, et leur expliquait les principes de la géométrie... bref, il les instruisait en tout ce qui contribue à adoucir les mœurs et à civiliser les hommes ... Le soleil s'étant couché, cet être replongeait dans la mer et demeurait toute la nuit dans ses profondeurs, car il était amphibie ».

On trouve un passage sommaire relatif aux oannès dans les écrits de Photios, patriarche de Constantinople (vers 820-892). Dans son Myriobiblion, il mentionne que l'historien Helladios… «… raconte l'histoire d'un homme nommé Oé, sorti de la mer Rouge, qui avait un corps de poisson, mais la tête, les pieds et les bras d'un homme, et qui enseignait l'astronomie et les lettres. Selon certains récits, il était issu d'un œuf énorme, d'où son nom. En réalité, c'était un homme : il ne ressemblait à un poisson que par ’’la peau d'animal marin’’ qui le revêtait ».

Se peut-il que les nommos dogon et les oannès babyloniens soient deux représentations du même phénomène? Les dogon affirment qu'ils n'ont pas toujours habité leur territoire actuel; et certains faits laissent penser que, venus de Libye, ils ont commencé à émigrer vers le sud à partir du Ier ou du IIème siècle. A la suite de mariages entre eux et les tribus noires locales, ils se sont définitivement établis dans la région du Mali au XIème siècle.  

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Si les Dogon viennent réellement du nord-est, ils ont pu, à l'origine, se trouver assez proches de la mer Rouge pour que, géographiquement, existe une relation entre les nommos et les oannès. Il est cependant bizarre que seuls les Dogon aient conservé leurs connaissances au sujet de Sirius B, alors que les Egyptiens, certainement en contact avec la culture babylonienne, n'ont gardé qu'une grande vénération pour Sirius B, principalement parce que cette étoile les aidait à prévoir les crues du Nil.

Dans la plus haute Antiquité, les peuples proche-orientaux ont manifesté de sérieux dons pour l'observation et le calcul astronomiques. Un contact entre les anciens Égyptiens et les ancêtres des Dogon actuels n'a rien d'impossible. Par l'intermédiaire des Égyptiens, une partie du savoir des peuples de la Mésopotamie, ou même de la Grèce, a pu parvenir jusqu'aux Dogon.

Une remarque s'impose ici. Tous les historiens des mythes et des religions le savent : il y a le plus souvent, derrière les mythes fondateurs des peuples, une connaissance ésotérique réservée aux seuls initiés. Pendant des années, deux ethnologues français (Marcel Griaule et Germaine Dieterlen – voir ci-dessous) n'ont eu connaissance que du message extérieur - exotérique - des croyances du peuple qu'ils étudiaient. Les doctrines secrètes ne leur ont été révélées qu'après une initiation aux mystères sacrés légués par les ancêtres. Avec le savoir des Égyptiens, des Chaldéens ou des Grecs, le même phénomène a dû se passer. Nous devons essayer, avec les éléments mythologiques disponibles, de reconstituer le message caché.

Notons que Sirius apparaît souvent dans les mythologies antiques. Cette étoile étant la plus brillante du firmament et il est normal qu'elle ait frappé les imaginations. De plus, son lever héliaque (époque à laquelle le lever d'un astre correspond avec celui du Soleil) se confondait, dans l'ancienne Égypte, avec les premières inondations - bénéfiques et nourricières - du Nil. Il était donc logique que les astronomes du Pharaon lui aient voué un respect particulier.

Robert Temple, le jeune chercheur américain qui s'est passionné pour le savoir dogon, a cru déceler une correspondance mythique entre les relations d'Isis et d'Osiris, d'une part, et Sirius et Sirius B, d'autre part : « Isis, déesse de Sirius, écrit-il, avait un compagnon appelé Osiris. Il est décrit comme ayant la peau sombre ou noire. Il prenait parfois l'aspect d'Anubis, le dieu à tête de chacal. Il se peut que les Égyptiens aient voulu signifier là qu'Osiris était le " compagnon invisible " de Sirius ... ». Le moins que l'on puisse dire est que la correspondance est loin d'être évidente!

Chez les anciens Grecs, en revanche, on trouve un certain nombre de récits mythiques qui font appel à des créatures amphibies, mi-poissons mi-hommes. L'historien Diodore de Sicile nous dit ainsi des Telchines, les démons de l'île de Rhodes, qu'ils étaient les « fondateurs de certains arts, ainsi que d'autres activités profitables au genre humain », D'autres textes, plus anciens, présentent les Telchines comme des « esprits de l'Océan, issus des profondeurs sous-marines », avec des têtes de chien et des nageoires en guise de mains.

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A Babylone, on décrivait les annedoti comme des créatures mi-hommes mi-poissons qui auraient fondé la Chaldée. Ces annedoti seraient les sujets de la divinité Oannès et seraient nés d'un œuf gigantesque, qui aurait instruit les Babyloniens « en toute chose susceptible d'adoucir les mœurs du genre humain » ...

La seule conclusion à tirer de cette comparaison des mythologies est que, ensemble, Dogon, Grecs et Babyloniens font état d'êtres amphibies qui auraient apporté aux hommes des éléments de civilisation. Ce qui demeure assez vague ...

Reste que les Dogon ont eu accès à des connaissances astronomiques « anormales ». Si elle est séduisante et inattendue, l'hypothèse extra-terrestre n'est à examiner qu'en dernier lieu. Nous pouvons toujours imaginer que ces connaissances ont été acquises par des voies dont nous avons perdu le secret. Par des oracles. Voire par une sorte de perception extra-sensorielle.

Nous pouvons également imaginer que, autrefois, Sirius B et l'hypothétique Sirius C ont brillé d'un éclat beaucoup plus intense qu'aujourd'hui et que leur orbite a pu être étudiée sinon à l'œil nu, du moins avec des instruments rudimentaires.

Carl Sagan, astronome de l'université de Cornell, auteur de « Cosmic Connection » (la Connexion cosmique) et coauteur de « Intelligent Life in the Universe » (La Vie intelligente dans l'univers), a calculé que, étant donné les milliards d'étoiles de l'univers, le nombre immense de leurs satellites (même si un minimum d'entre elles en sont pourvues) et l'âge inconcevable de l'univers, il y a une quasi-certitude statistique que la vie intelligente ait surgi à de multiples reprises et que nombre de civilisations soient plus anciennes et plus avancées que la nôtre.

Cela semblerait en faveur de la tradition des Dogon, qui prétendent tenir leurs connaissances d'astronautes des temps anciens. Mais Sagan, tout en admettant l'existence d'extraterrestres supérieurs, pense que dans ce cas il y a une autre explication. Certes, dit-il, « les Dogon possèdent des données impossibles à acquérir sans télescope. La conclusion qui s'impose est qu'ils ont eu des contacts avec une civilisation d'une technologie avancée. Mais toute la question est : quelle civilisation? Extraterrestre ou européenne? »

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Les astronomes occidentaux soupçonnèrent l'existence de Sirius B en 1844; il ne fut réellement observé qu'en 1862, et identifié comme une naine blanche très dense et composée de matière « dégénérée » (dont les atomes sont plus ou moins dépouillés de leurs électrons). Toutes ces données, les Dogon les possèdent, mais, comme leur connaissance de Sirius B n'a été rapportée par les ethnologues que dans les années 1930 et 1940, Sagan estime que les Dogon ont puisé leur science auprès d'un européen de passage (dans un livre sur la « Nature du monde physique », publié en 1928, Sir Arthur Eddington vulgarisa la découverte de Sirius B), alors qu'ils discouraient des mythes de Sirius, un soir à la veillée, autour d'un feu de camp.

Imaginons un voyageur français arrivant à cette époque chez les Dogon, dans ce qui était alors l'Afrique-Occidentale française… La conversation s'oriente vers l'astronomie. Sirius est l'étoile la plus brillante du ciel. Les Dogon régalent leur visiteur de leur mythologie de Sirius, puis, avec un sourire poli, lui demandent à leur tour quels sont, chez lui, les mythes de Sirius.

C'est là, à première vue, un scénario fort plausible, mais qui appelle plusieurs objections majeures.

Qui a bien pu enseigner aux Dogon l'existence de Sirius B ? Avant de tenter de comprendre, il convient d'étudier comment cette cosmogonie dogon nous a été révélée.

En 1931, deux ethno-anthropologues français décident d'entreprendre une étude minutieuse de la vie et de la culture des Dogon. Au cours des vingt et une années suivantes, Marcel Griaule et Germaine Dieterlen partagent presque totalement la vie de ce peuple. En 1946, Marcel Griaule est même initié par les prêtres, qui lui révèlent leurs mystères les plus sacrés. C'est alors qu'il apprend la «vérité » sur les nommos qui seraient des « créatures amphibies » venues d'un autre monde pour civiliser la planète ...

La principale est que seuls les grands initiés dogon sont instruits des calculs secrets. Les deux ethnologues français, Marcel Griaule et Germaine Dieterlen, qui, dans leur étude sur « Un système de Sirius soudanais », décrivirent pour la première fois ce phénomène, n'obtinrent cette information qu'après une décennie de travail chez les Dogon, quand se furent installées d'exceptionnelles relations de confiance et d'amitié. Encore durent-ils rassembler des éléments venus de diverses sources, chaque prêtre ne détenant qu'un fragment de cet ensemble de connaissances. Des secrets si bien gardés ne sont pas matière à des bavardages de veillée.

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En deuxième lieu, il est avéré que les sociétés pré-littéraires conservent avec une fidélité extrême les traditions orales, dont les récits, pratiquement immuables, se transmettent pendant des siècles. Or, au système de Sirius, les Dogon ajoutent une troisième étoile, elle-même dotée d'un satellite. Étant donné que l'astronomie occidentale n'a pas connaissance de cette étoile, comment expliquer le fait que les Dogon répéteraient avec exactitude une partie du mythe que leur aurait expliqué l'hypothétique explorateur, tout en y mêlant une partie de leur savoir, totalement inventée?

Et en quelle langue les Dogon et notre explorateur supposé auraient-ils conversé? Après tout, même par le truchement d'une langue commune, il serait difficile de communiquer à un peuple pré-technologique des données scientifiques précises d'un tel niveau. D'après Griaule et Dieterlen, les langues parlées par leurs informateurs sont le sanga et le ouazouba : aucune mention du français ni de l'arabe.

Marcel Griaule deviendra un des personnages principaux de la culture dogon. Il finira même par acquérir sur le peuple un ascendant plus fort que celui des prêtres. A sa mort, en 1956, des dizaines de milliers d'indigènes viendront lui rendre un dernier hommage.

Le premier article des deux chercheurs est publié en 1950 dans le Journal de la Société des africanistes. Après la mort de Marcel Griaule, Germaine Dieterlen reviendra à Paris, où elle sera nommée secrétaire générale de la Société des africanistes du musée de l'Homme. En rassemblant ses notes et celles de son ami, elle écrira « Le Renard pâle », qui sera publié en 1965 par l'Institut français d'ethnologie.

La publication de ces travaux rend incontestable la précision des connaissances astronomiques des Dogon. Surtout pour tout ce qui concerne le système de Sirius. Un détail : Po Tolo - Sirius B, pour les Dogon - apparaît chez eux comme faite d'une matière plus lourde que n'importe laquelle sur Terre et se déplace sur une orbite elliptique dont la révolution dure cinquante ans.

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Un autre Européen a expliqué le mystère de Sirius, exposé en 1973 dans le journal of the British Astronomical Association. W.H. McCrea estime que tout ce que les Dogon savent de Sirius B pourrait résulter d'un mirage de Sirius A, observé dans le désert lors de son coucher héliaque annuel (quand Sirius et le soleil se couchent presque au même instant et au même point de l'horizon). A ce moment, suppose McCrea, un mirage de Sirius A pourrait apparaître au-dessous de l'étoile réelle; se couchant la première, cette « seconde étoile » semblerait plus lourde que l'étoile principale; elle paraîtrait aussi moins lumineuse et par conséquent plus petite.

Mais cette tentative d'explication présente les défauts suivants :

1 - McCrea se trompe en croyant que les Dogon disent que Sirius B est visible une fois par an : ils n'ont jamais prétendu l'avoir observé.

2 - McCrea dit que Sirius A et son mirage paraîtraient rouges lors du coucher héliaque pour les Dogon, la couleur de Sirius B n'est autre que blanche.

3 - La thèse du mirage n'explique ni pourquoi ni comment les Dogon décrivent le tracé précis de l'orbite de Sirius B.

4 - Et comment savent-ils que sa période orbitale est de 50 ans? McCrea admet l'objection et suppose que ce chiffre n'est exact que par simple coïncidence…

Quoiqu’il en soit, les mystères dogon conservent toute leur étrangeté. Même la découverte de Sirius C ne nous dirait pas par qui, comment et pourquoi ce peuple en a su plus, et plus tôt, que bien des astronomes occidentaux ...

 

Astral 2000 – Gérard – Juillet 2018

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