L’hypnose 1

YeuxLongtemps décriée par la science, l'hypnose est aujourd'hui intégrée dans les techniques médicales de pointe. Cette thérapie, connue des hommes depuis les débuts de la civilisation, débouche sur une nouvelle utilisation de notre potentiel physique.

L'hypnose n'est pas une banale attraction de music-hall ou un jeu de salon un peu désuet. Malgré une controverse qui dure depuis près de deux cents ans entre ses partisans et ses adversaires, la science et, en particulier, la médecine l'admettent de plus en plus volontiers. Elle pourrait même permettre, utilisée à bon escient, de remarquables progrès, tant dans l'investigation psychologique proprement dite que pour la guérison de certains malades rebelles aux techniques traditionnelles ...

Le premier spécialiste qui introduisit les termes d'hypnose et d'hypnotisme, en le définissant comme un "  état particulier du système nerveux, déterminé par des manœuvres artificielles ", fut !'Écossais James Braid, en 1844. On n'ignorait pas auparavant la transe hypnotique et un certain nombre de moyens pour la produire. Mais à la suite du docteur Mesmer (à ne pas confondre avec Messmer [Éric Normandin] l'artiste hypnotiseur québéccois) , qui avait défrayé la chronique au XVIIe siècle avec son fameux « baquet » on parlait plutôt de « magnétisme animal ». Braid forgea le mot à partir du grec hypnos (Hypnos - Dieu du Sommeil dans la mythologie grecque), qui signifie « sommeil ».

Franz friedrich anton mesmerFranz-Friedrich-Anton Mesmer

James braidJames Braid

En fait, la connaissance de l'hypnotisme est très ancienne. Comme l'écrit l'un de ses spécialistes, l'italien Charles de Liguori : « Elle fait partie d'un bagage de notions humaines datant de plus de quatre mille ans. L'hypnotisme fut d'abord entendu comme "fascination", concept plutôt vague qu'on appliquait généralement à une substance mystérieuse : l'aimant, auquel on attribuait des propriétés magiques et qui, mis en contact avec le malade, pouvait provoquer la guérison. Cette croyance se prolongea dans le temps ».

Aimant… Magnétisme ... On voit que Mesmer lui-même n'était pas à l'origine du phénomène. A vrai dire, près de septante ans (soixante-dix ans) avant lui, le physicien jésuite Kircher avait constaté que l'on pouvait induire chez certaines personnes ce curieux sommeil artificiel, accompagné de transes, en utilisant les propriétés de l'aimant proprement dit ou, en pratiquant sur le patient « des gestes adéquats à libérer le fluide magnétique animal ».

Pour les spécialistes, l'aventure scientifique de l'hypnose commence avec le médecin lyonnais Chastenet de Puységur, qui s'était intéressé aux travaux de Mesmer - moins charlatanesques qu'on a bien voulu le faire croire - parce que lui-même effectuait depuis 1775 des recherches sur l'électricité, le magnétisme naturel et tous les phénomènes de la nouvelle physique de son époque.

Amand marie jacques de chastenet de puysegurAmand Marie Jacques de Chastenet de Puységur

Puységur eut la chance de découvrir un sujet extraordinaire qui est simplement resté dans l'histoire de l'hypnose sous le nom de Victor. Sous les passes habiles du médecin, il plongeait en quelques minutes dans des transes convulsives, parlait des langues étranges, et, pourtant, obéissait très fidèlement à toutes les injonctions de Puységur. Ce dernier parvint même à de nombreux résultats télépathiques avec Victor, son médium ...

A cette époque justement, on discutait, à l'Académie des sciences et de la médecine, des théories de Mesmer et de leur bienfondé. Bailly et Lavoisier acceptaient la réalité des phénomènes produits par les passes gestuelles et le fameux « baquet », mais niaient la présence de magnétisme ou d'électricité dans tout cela. D'après eux, il n'y avait ni fluide animal ni influence physique mystérieuse dans le somnambulisme provoqué par le médecin viennois. Mesmer n'était peut-être pas un escroc, mais, scientifiquement, sa théorie ne tenait pas debout.

Stupéfait par les transes de Victor, Puységur passa outre ce désintérêt en publiant un mémoire enthousiaste dans lequel il essaya de trouver d'autres explications. C'est en cela qu'il peut être considéré comme le pionnier de la recherche postérieure.

Hypnose 1Comme nous l'avons dit, il faudra cependant attendre James Braid et les années 1840-1850 pour, en arriver à l'hypnose scientifique. L'Écossais démontre alors que le phénomène est produit à travers une démarche psychologique (suggestions, inductions diverses), mais que la transe elle-même est une pure réaction physiologique. Il veut détacher de la notion d'hypnose tout le côté occultiste d'une part et sensationnel d'autre part qui commence à s'y attacher. Il n'y parvient qu'à demi.

On sait produire le sommeil hypnotique. C'est en fait à la portée de tous, avec un minimum de connaissances et d'entraînement. Les bateleurs de foire et les illusionnistes de la scène s'initient aux techniques de passes et de suggestions. Quand ils n'y· parviennent pas tout à fait, ou trop lentement, ils ont recours à des acolytes. Mais comme, très souvent, à l'exemple de Mesmer, ils prétendent que leurs activités sont thérapeutiques pour ceux qui s’y prêtent, l'hypnose, même sérieuse, est vite battue en brèche par les scientifiques de l'époque.

En voulant trop démontrer, ces derniers, d'ailleurs, quand ils croient à la réalité du phénomène, tombent dans le panneau : ils obligent leurs sujets à se prendre pour des singes ou des perroquets sous induction ; ils les font aboyer comme de vulgaires roquets devant de doctes assemblées venues assister aux expériences; ils montrent qu'en état d'hypnose une femme peut se déshabiller selon leur « bon vouloir », ou qu'un sujet est capable de s'emparer sur leur ordre d'un poignard et d'assassiner le premier venu... Ce qui est totalement faux !

Hypnos dieu du sommeil copie romaine d une statue hellenistique c 325 275 av jc photographie prise en 1915 british museum londresHypnos, dieu du sommeil, copie romaine d’une statue Hellénistique - 325-275 av. JC,

Dans le dernier tiers du XIXe siècle, le très digne docteur Rudolph Heidenhain, physiologiste et chirurgien allemand connu dans toute l'Europe, fait couper à son jeune frère des favoris auxquels ce dernier tenait plus qu'à la prunelle de ses yeux. Il l'oblige aussi à boire de l'encre, en lui suggérant, dans sa transe, qu'il s'agit d'une excellente bière munichoise !

Quelques chercheurs plus sérieux croient cependant encore en la valeur de la technique hypnotique. Le professeur Charcot réunit le Tout-Paris médical (et l'autre) à la Salpêtrière, où il endort des hystériques de son service. Pour lui, l'hypnose est une réalité, mais elle ne fonctionne vraiment qu'avec des malades mentaux comme ceux dont il a la charge.

Heureusement, un médecin de Nancy, qui, d'ailleurs, formera par la suite Freud aux méthodes de l'induction et de la suggestion, démontre le contraire. Pour Bernheim, tout le monde est hypnotisable, même les animaux, qui sont sensibles à des techniques évidemment adaptées à eux. On découvre - ou, plus exactement, on établit de manière systématique – que plusieurs démarches non contradictoires sont valables pour arriver au phénomène de transe somnambulique. L'aimant et ses dérivés sont à peu près abandonnés, mais on approfondit les résultats divers obtenus par le regard, les passes magnétiques ou dites telles, la suggestion verbale ou simplement sonore, le pendule, etc.

Avec Bernheim, le docteur Bérillon et quelques autres, l'hypnose va-t-elle enfin prendre sa place parmi les autres sciences de la nature et du comportement ? Non, car le music-hall lui porte toujours un redoutable préjudice. George du Maurier, en 1895, n'arrange pas les choses avec son histoire de Svengali, ce magicien noir qui utilise à des fins criminelles un pauvre naïf en manipulant son esprit grâce aux méthodes des Bernheim, Braid ou Charcot ...

Pendant une bonne cinquantaine d'années, la science en place boudera l'hypnose. De nos jours, elle a encore ses détracteurs.

Hypnose2A partir de 1945 - 1950, cependant, on note une sensible évolution en la matière. Aux États-Unis et en Angleterre, surtout, les attitudes changent. Des hôpitaux de Londres et de Glasgow accueillent des hypnotiseurs parmi leur personnel médical. On réalise plusieurs opérations importantes sous hypnose.

En 1955, la British Medical Association, un groupement professionnel officiel assez proche de notre Ordre des médecins, reconnaît l'intérêt de ces techniques. Une de ses commissions vient en effet de conclure ses recherches et va jusqu'à recommander aux universités de médecine de poursuivre des études spéciales sur l'hypnose et de « l’enseigner aux étudiants généralistes, avec cours spécialisés pour les dentistes, les anesthésistes et les obstétriciens ». Aux États-Unis se crée une fédération de médecins qui pratiquent l'hypnose sous le nom d' « American Society of Clinical Hypnosis ».

Dans les domaines de la psychologie avancée, l'hypnose autorise les plus intéressantes perspectives. Beaucoup de psychanalystes, dont Freud, l'ont prônée pour faire régresser les sujets jusqu'à leur petite enfance et même jusqu'à leur existence fœtale. Certains sont même allés au-delà, et semblent ainsi avoir fait la preuve qu'on peut atteindre, grâce à ces techniques, ce qui pourrait être des vies antérieures de l'individu. Le chercheur anglais Arnall Bloxham, le psychanalyste et thérapeute Kelsey ont fait remonter à leurs médiums, Jane Evans ou Joan Grant, les étranges chemins de leur histoire antérieure.

S'agit-il de réincarnation, de mémoire génétique ou d'un phénomène purement pathologique? Nous l'ignorons. Pour l'instant, seules nous intéressent les techniques qui permettent d'explorer ces voies ténébreuses de l'âme humaine. Quand ces techniques permettent aussi de guérir au physique comme au mental, il est évident qu'on ne saurait les laisser pour compte.

Mais l'hypnothérapie est-elle vraiment si efficace ?

 

Astral 2000 -Gérard - Avril 2020

 

3 votes. Moyenne 4.67 sur 5.

Ajouter un commentaire

 
×