Cristallomancie et ses dérivés

Mots-clés : hydromancie, onychomancie, catoptromancie, boule de cristal, mancie.

La cristallomancie est une technique de voyance que l'on obtient en regardant la surface polie ou brillante d'un objet. Les cristaux sont le plus couramment utilisés mais pour pratiquer cette mancie, mais l’on peut aussi se servir d'une grande variété de matériaux (verre, cristal de roche, etc.). Depuis l'antiquité la plus reculée, cet art a été pratiqué sous différentes formes dans le monde entier et un certain nombre de curieuses similitudes apparaissent dans les règles de la cristallomancie observées dans diverses communautés. Souvent, par exemple, le diseur de bonne aventure ne regarde pas lui-même dans le miroir ou le cristal: il emploie à cet effet un jeune garçon ou une jeune fille vierge.

Dans la Grèce antique, on lisait « la boule de cristal » dans de nombreuses sources. Pausanias, dans son Itinéraire de la Grèce, rapporte qu'à une source de Patras, on utilisait un miroir (catoptomancie) : «on attache un miroir à une corde fine à l'aide de laquelle on le fait descendre non pas jusqu'à ce qu'il plonge, mais simplement qu'il effleure l'eau de son cadre. Puis, après avoir imploré la déesse et brûlé de l'encens, on regarde le miroir dans lequel se reflète la personne malade, qu'elle soit vivante ou morte. Si fidèle est cette eau». Une autre source, à Ténare celle-là, a cessé de jouer efficacement son rôle de boule de cristal après qu'une femme y eut fait sa lessive !

Les Romains, et cela est surprenant, eurent très peu recours à cette pratique, mais elle était largement répandue au Moyen Âge et entraînait souvent une condamnation. Au XII^ème siècle, Jean de Salisbury, par exemple, s'éleva vigoureusement contre ceux qui lisaient l'avenir dans «des objets qui étaient polis et brillants, tels une bouilloire de bon cuivre, des verres, des tasses et toutes sortes de miroirs». En 1398, la faculté de théologie de Paris condamnait la lecture de la boule de cristal comme étant d'origine satanique.

Les fulminations de l'Église demeurèrent cependant vaines et la vogue de cette pratique se poursuivit, bien que les «liseurs» tombaient sous le coup de la loi. Parmi ceux qui connurent des ennuis, il faut citer William Byg qui, en 1467, fut jugé à Wombwell, dans le Yorkshire, sous l'inculpation d'hérésie. Il fut reconnu coupable et, en guise de châtiment, dut tourner autour de la cathédrale de York, une torche allumée dans la main droite, ses livres pendus à un bâton dans la gauche; il dut aussi arborer des pancartes le qualifiant de sortilegus (devin) et d' invocator spiritum (invocateur des esprits). On l'obligea à se rétracter et à brûler ses livres.

La pratique de la cristallomancie ou de la catoptromancie a laissé son empreinte dans de nombreuses coutumes populaires. À North Kelsey, dans le Lincolnshire, il existait - et existe peut-être encore - une coutume selon laquelle une jeune fille désireuse de savoir qui serait son amoureux, devait se rendre au lieu-dit du Puits de la Vierge. Elle s'en approchait à reculons, en faisait trois fois le tour dans le même sens, puis regardait dans l'eau (hydromancie) où était censé apparaître le visage de son prétendant. Une autre tradition subsiste dans plusieurs parties des États-Unis: on dit que si une jeune fille descend à reculons les marches de la cave la veille de la Toussaint, en regardant dans un miroir, elle y verra le visage de son futur mari.

L'un des plus fanatiques cristallomanciens anglais fut John Dee (1527- 1608), philosophe, mage et diseur de bonne aventure de la reine Elisabeth I, qui se servait d'un cristal que lui avaient offert des anges, à ce qu'il prétendait. Son adjoint, Edward Kelley, regardait dans la pierre et Dee enregistrait ce qu'il voyait. Le journal de ses expériences remplit plusieurs épais volumes.

La cristallomancie était particulièrement répandue dans le monde de l'Islam. Leo Africanus, auteur d'un ouvrage consacré aux pratiquants de cet art à Fez, décrit la façon dont ceux-ci plongeaient leur regard dans les vases remplis d'eau, où ils voyaient des nuées de démons qui répondaient par gestes à leurs questions. Dans certaines parties du monde arabe, on croyait que regarder dans des miroirs ou des récipients d'eau avait un pouvoir curatif. Parmi les diverses pratiques des Arabes figuraient l'onychomancie (lecture de l'avenir dans les ongles) et l'examen des lames de sabre (spathomancie).

C'est à un historien arabe du XIV^ème siècle, 'Abd al-Rahman Ibn Muhammad Ibn Khaldun, que l'on doit l'un des plus intelligents récits de divination par la boule de cristal. Il écrit dans son œuvre demeurée célèbre, la Muqaddimah: «Ceux qui lisent dans les corps diaphanes, tels que miroirs, cuvettes pleines d'eau, et liquides ... appartiennent à la catégorie des devins. Mais, en raison de la radicale imperfection de leur nature, ils occupent un rang inférieur dans cette catégorie. Pour éliminer le voile des sens, le véritable devin ne fait pas de grands efforts; quant aux autres, ils essaient de parvenir à leurs fins en cherchant à condenser en un sens unique toutes leurs perceptions. La vue étant le sens le plus noble, ils lui donnent la préférence et, fixant leur regard sur un objet, ils le considèrent avec attention jusqu'à ce qu'ils perçoivent la chose qu'ils désirent annoncer. Certaines gens imaginent que l'image ainsi perçue apparaît à la surface du miroir, mais ils se trompent. Le devin regarde fixement la surface jusqu'à ce qu'elle disparaisse et qu'un rideau semblable à la brume s'interpose entre ses yeux et le miroir. Sur ce rideau se composent les formes qu'il désire voir. .. »

Les miracles de la clairvoyance

La cristallomancie, en même temps que d'autres formes de divination, a connu une nouvelle vogue au XIX^éme siècle. Le romancier et occultiste victorien Edward George Earle Bulwer-Lytton, possédait une boule de cristal qui se trouve toujours parmi ses biens personnels exposés à Knebworth House, sa demeure ancestrale du Hertfordshire. Cette vogue s'est prolongée jusqu'à aujourd'hui et les ouvrages sur ce sujet sont nombreux. L'un des plus détaillés est le manuel de John Melville, Crystal Gazing and the Wonders of Clairvoyance (La lecture de la boule de cristal et les miracles de la clairvoyance), publié en 1920, dans lequel l'auteur présente une méthode complète comprenant le recours à des formes cabalistiques.

«La boule de cristal, dit Melville, doit avoir environ un pouce et demi de diamètre ou, au minimum, la taille d'une petite orange. Elle doit être placée dans un cadre d'ivoire, d'ébène ou de buis, parfaitement poli, ou sur un socle de verre ou de cristal.

Si l'on s'en tient strictement aux antiques méthodes décrites dans cet ouvrage, la boule de cristal doit être dressée sur le Lamen, ou table, mais si, simplement, on la tient à la main, il faut orienter son sommet de telle sorte qu'aucun reflet, aucune ombre ne puissent y pénétrer. Si elle est sur une table, on peut disposer les plis d'un mouchoir de soie noire autour de la boule de façon à empêcher qu'elle soit frappée par quelque reflet.

Selon certaines autorités en la matière, les noms mystiques devant être gravés en relief sur le pourtour du cadre en lettres d'or sont: au nord Tetragrammaton, à l'est Emmanuel, au sud Agla et à l'ouest Adonay.

Le socle supportant le cadre devra porter le nom mystique : SADAY tandis que sur les socles des deux chandeliers (éléments de l'équipement rituel) devront être gravés, respectivement, les mots ELOHIM, ELOHE.

La boule de cristal ou le miroir ne doivent être maniés par nulle autre personne que leur propriétaire, faute de quoi les magnétismes se mélangent et leur sensibilité risque d'être détruite. D'autres peuvent y regarder, mais non pas les toucher, sauf la personne qui serait en train de consulter le voyant, ainsi que nous l'avons déjà dit. Si la surface se salit ou se souille, on peut la nettoyer avec une lessive légère, bien la rincer, la laver à l'alcool ou au vinaigre additionné d'eau et puis la faire briller avec un velours souple ou une peau de chamois.

La boule ou le miroir doivent être fréquemment magnétisés à l'aide de passes exécutées de la main droite, à raison de cinq minutes chaque fois. Cela contribue à leur conférer force et pouvoir. Des passes semblables de la main gauche ajoutent à la sensibilité de la boule.

II faut tenir le dos du miroir ou de la boule face à la lumière, mais jamais la partie antérieure.

Le magnétisme dont se charge la surface du miroir ou de la boule y est apporté par les yeux du voyant et l'éther universel, le cerveau se comportant comme s'il était en communication avec l'univers, la boule servant d'intermédiaire».

Melville établit le guide suivant, dans lequel il donne le sens des différentes apparitions dans la boule:

-  Les nuages blancs signifient: bon, affirmatif; faveur.

-  Les nuages noirs signifient: mauvais, défavorable.

-  Le violet, le vert, le bleu signifient: joie à venir; très favorable.

- Le rouge, le pourpre, l'orange, le jaune signifient: danger, ennuis, maladie, déception, chagrin, trahison, calomnie, perte; surprises désagréables.

- Les nuages ascendants signifient: réponses affirmatives aux questions posées. Oui! Que la question ait été posée oralement ou non n'a pas d'importance.

-  Les nuages descendants signifient: réponses négatives à toutes les questions. Non!

Melville conseille à la personne s'initiant à la lecture de la boule de cristal de choisir une pièce calme dépourvue de miroirs, d'ornements, de tableaux et de couleurs crues. Plusieurs séances sont souvent nécessaires, dit-il, avant de parvenir à des résultats. La première fois, l'aspirant voyant doit «commencer par s'asseoir confortablement, les yeux fixés sur la boule de cristal, le regard non pas farouche, mais ferme et calme, pendant dix minutes seulement». La durée peut ensuite être prolongée. «Quand vous verrez la boule commencer à se ternir ou à s'embuer, avec de petits points lumineux à l'intérieur pareils à de minuscules étoiles, vous saurez que vous commencez à obtenir ce que vous cherchez, c'est-à-dire la vision cristalline».

Dans la lecture de la boule de cristal, comme dans les autres formes de divination, la méthode aura à utiliser les gestes en guise de catalyseur pour activer les perceptions du clairvoyant. Mais, dans des systèmes plus complexes comme les Tarots, le Yi King et l'Astrologie, les symboles utilisés constituent un cosmos en miniature et on leur attribue une valeur qui ne s'arrête pas à leur fonction divinatoire. C'est pourquoi la cristallomancie est généralement considérée comme d'un niveau moins élevé que ces autres méthodes divinatoires.

ASTRAL 2000 - Gérard - Avril 2017