BELLINE, LE PRINCE DES VOYANTS

Partie 2

Confidences et révélations

 

Au début des années 1980, un journaliste de l’encyclopédie « L’Inexpliqué » a voulu en savoir plus avec le fameux Belline.

 

Inexpliqué : « Le philosophe Gabriel Marcel vous appelait le « prince des voyants », Vous exercez depuis plus d'un quart de siècle, à Paris, dans la maison où vécut le poète visionnaire Villiers de l'Isle-Adam. Le musée national des Arts et Traditions populaires vient de reconstituer votre cabinet de travail dans une vitrine. Vous êtes l'un des voyants les plus célèbres du monde. Comment, selon vous, s'explique le phénomène de la voyance? »

Belline : « On ne peut que le constater. Il me surprend moi-même. Maryse Choisy, qui fut présidente de l'Alliance mondiale des religions, et qui fréquenta longtemps Albert Einstein disait: ‘’La clairvoyance n'est pas une maladie honteuse’’. Et elle ajoutait que ´´l’homme sérieux´´ se pavanait en répétant : ‘’Je suis cartésien’’, comme s'il brandissait une amulette ».

« Considérée comme une énigme troublante que les voyants eux-mêmes percent avec difficulté, la voyance permet à celui qui en a réellement le don de percevoir mentalement la pensée d'autrui, d'approcher les sentiments, inavoués ou cachés, des consultants. On pourrait presque assimiler ce phénomène extraordinaire au talent de certains médecins qui décèlent d'emblée et sans erreur les maladies de leurs patients. Le voyant ´´authentique´´, lui, peut percevoir les troubles et les déséquilibres émotionnels qui affectent les êtres. Ceux-ci émettent en effet des fluides qui, une fois captés par le voyant, se transforment parfois en clichés fulgurants qui semblent échapper à toute explication scientifique ». 

« Je vous l'ai dit : je suis moi-même très impressionné par les possibilités de la voyance. Nous vivons quotidiennement emmurés 'dans les trois dimensions de notre vie habituelle. Mais il y en a d'autres. Le temps que nous vivons semble aller du passé au présent et du présent au futur, et nous nous le représentons comme une succession de points où le « maintenant » apparaît entre un passé qui n'est plus et un futur qui n'est pas encore. Or, depuis longtemps déjà, les philosophes ont mis ce temps ponctuel en doute. Tout se passe, en fait, comme si existait en chacun de nous une dimension plus originelle du temps où passé, présent et futur jouent entre eux d'étranges jeux de miroir. L'homme est comme aveuglé dans cette complexité. Imaginez un moucheron au sommet d'une pyramide et la perception qu'il a de son environnement... il y a des hyper dimensions. Et les poètes, les visionnaires, les mystiques y ont parfois accès ».

Inexpliqué : « Mais ne parliez-vous pas d'ondes, de fluide ? »

Belline : « Tous, apparemment, nous sommes des récepteurs et des émetteurs d'ondes. Certains êtres les émettent et d'autres les perçoivent avec une force exceptionnelle. Quelques-unes de ces ondes (appelées « alpha » et « bêta ») ont été détectées au cours d'expériences effectuées sur des moines zen en état de concentration ou de sommeil. Je sais bien que les scientifiques n'ont trouvé dans le cerveau humain aucune trace d'organes susceptibles d'émettre ou de percevoir de telles ondes. Mais j'ai constaté d'étranges phénomènes dans mon cabinet... Une de mes consultantes, une Bretonne, percevait les cris des marins en perdition... Une autre, Iranienne, entendait les mêmes appels au cours des tremblements de terre ... Mais ce n'était que les jours suivants, par la radio ou par les journaux, qu'elles apprenaient la réalité des catastrophes... Comment expliquer cela, sinon par l'existence d'ondes mal connues venues peut-être d'ailleurs? »

« Paul Reboux disait jadis : ‘’Le sixième sens, tout le monde le connaît. Mais personne ne le reconnaît ’’. Tous nos sens ont un nom officiel : l'ouïe, la vue, le toucher, l'odorat, le goût, mais notre sixième sens n'a toujours pas de nom. On l'a souvent remarqué : c'est le sens grâce auquel les chauves-souris volent dans l'obscurité à travers un foisonnement de branches. C'est le sens des oiseaux migrateurs qui filent sans se tromper de la Sibérie aux Tropiques. N'est-ce pas aussi une parcelle de ce sens qui permet à un chat ou à un chien perdu de retrouver la trace de son maître ? »

Inexpliqué : « Mais pour le voyant, comment se manifeste ce ‘’sixième sens’’ ? »

Belline : « Il a pour fonction, en somme, de percevoir une vibration. Les Chaldéens et les Assyriens, plus de trois mille ans avant J.-C., en mentionnaient déjà l'existence. De même que les Chinois qui, dans leurs textes les plus anciens, établissent une relation entre ce sens énigmatique et les expériences qui leur ont permis progressivement d'établir les bases de l'acupuncture et de trouver les points de l'être humain qui correspondent au fonctionnement des organes. Zoroastre n'employait-il pas le magnétisme, manifestation du sixième sens? »

« On sait aussi que les Égyptiens vénéraient Hermès Trismégiste, le dieu de la sagesse, auteur, disait-on, de 36525 livres où se résumait l'histoire de l'Univers. Seuls quelques fragments nous sont parvenus de ces textes énigmatiques. Sur l'un d'eux, on peut lire cette phrase : ‘’Tout est vibration. Rien n'est inerte’’. »

« Dois-je rappeler les extraordinaires expériences auxquelles a assisté la célèbre exploratrice du Tibet, Mme Alexandra David-Neel : celles des lamas qui, après de longs entraînements où ils éduquaient leur ‘’sixième sens’’, parvenaient à lire, disait-elle, dans les mémoires, dans le subconscient, à pratiquer la suggestion collective, à s'affranchir des lois de la pesanteur ».

« Et ce sens peut sans doute se développer ».

« Que représente notre sens de la direction par rapport à celui d'un pigeon voyageur, par exemple, dont les possibilités et les performances sont stupéfiantes et les mécanismes mal connus? »

« Bref, nous sommes en plein mystère, malgré les prétentions des sciences officielles. Laissez-moi vous citer une phrase du mathématicien Henri Poincaré : ‘’Un système scientifique n'est qu'une explication appropriée à un certain stade du savoir : il est un moment de la science humaine.’’ »

Inexpliqué : « Quel a été votre grand début? »

Belline: « Il se situe en 1955, quand j'ai annoncé dans les journaux la mort prochaine du président Eisenhower. J'avais eu une vision : le président américain se pliait brusquement et portait la main à son cœur. Ma prédiction fut publiée le 19 juin 1955 dans France-Soir. Trois mois après, Eisenhower était terrassé par une crise cardiaque. Ce fut le début de ce qu'on appelle une carrière. J'étais alors en plein élan, et je me souviens d'une histoire très curieuse ».

« Quelques jours après la mort du président Eisenhower, je me trouvais dans la salle de rédaction de Paris-Jour, et l'un des journalistes présents me dit soudain : ‘’Soyons sérieux, Belline. Comment faites-vous pour "voir" tous les jours à la demande? La voyance n'est tout de même pas permanente ? ‘’ Je lui répondis : ‘’Imaginez que vous descendiez dans la rue : vous vous arrêtez devant la boutique d'un brocanteur, vous y entrez et découvrez un amoncellement de tableaux. Imaginez qu'en cherchant parmi les toiles, vous en découvriez une qui vous paraît ancienne. Vous l'achetez, vous l’emportez chez vous, vous la nettoyez avec une pomme de terre et vous pensez qu'il s'agit d'un Rembrandt. Vous faites venir un expert. Il vous dit que la toile est un faux. Mais vous, il vous faudra quand même payer l'expert. Eh bien, moi aussi je suis une sorte d'expert. Je peux me tromper. Je prends des risques. Mais je fais mon possible pour aider mon consultant’’ » ...

Le journaliste parut stupéfait: « Mais c'est extraordinaire ce que vous me racontez là ! C'est exactement ce qui m'est arrivé. Je suis descendu dans la rue, je suis entré chez un brocanteur, j'ai acheté une toile, je croyais que c'était un Rembrandt, je l'ai nettoyée avec une pomme de terre, je l'ai fait expertiser. Ce n'était pas un Rembrandt. Il n'y a qu'une erreur dans ce que vous dites : je n'ai pas payé l'expert ... il s'agissait d'un ami! » Dans la salle, une dizaine de journalistes furent témoins de cette scène.

Inexpliqué : « La presse atteste que vous avez vu d'avance le lancement du spoutnik (une lettre S dans le ciel), la guerre d'Israël, le suicide de Marilyn Monroe, etc. Mais votre exploit le plus célèbre fut sans doute votre vision prémonitoire des événements de mai 1968, publiée dans la presse quelques mois auparavant. L'Express du 8 juillet 1968 relate et commente vos surprenantes prédictions. Comment avez-vous ‘’vu’’ ces événements? »

Belline : « C'est le 29 septembre 1966 que je les ai vus, le jour de la Saint-Michel. Mon fils s'appelait Michel. Ce jour-là, vers 5 heures, peu avant la mort de mon beau-père, j'ai été réveillé par un éblouissement. Je me suis levé, me suis assis devant mon bureau, et des visions sont passées devant mes yeux. J'ai vu des villes envahies par une foule de manifestants et des gens qui couraient dans tous les sens. L'atmosphère était angoissante ... J'ai donc publié les prédictions suivantes dans le Parisien libéré, et ce sont elles que reproduisit intégralement L'Express. Je n'en change pas une ligne : ‘’Je vois, dans Paris, ainsi que dans certaines villes de France, les rues envahies par une foule de manifestants, lesquels courent en tous sens, apeurés. Je vois une route qui serpente à travers une plaine, il fait orageux ; tout à coup, la route est barrée par un amoncellement de pierres, tandis que le général de Gaulle tente de les enlever. Je vois des bulletins de vote déposés dans des urnes tandis que le coq chante’’ ...

« Et L'Express de conclure : ‘’Belline avait aussi "vu" la dissolution de l'Assemblée et les Français, au plus fort de l'orage, "se rassembler sous les branches du grand chêne (de Gaulle)". Lorsque le président Georges Pompidou l'apprit, il refusa d'abord d'y croire. « Je suis comme saint Thomas » ..., dit-il, sceptique, au rédacteur en chef de L'Express. Celui-ci lui fit alors parvenir les textes originaux à l'Élysée ».

Inexpliqué : « Il paraît tout de même difficile d'être voyant 24 heures sur 24. Il doit y avoir nécessairement des succès et des échecs. Comment pouvez-vous interpréter à coup sûr vos clichés mentaux? »

Belline : « C'est vrai. Dans l'image mentale, le flash illuminant qui éclaire le voyant, se cache souvent un mystère. Certaines voyances sont justes, mais approximatives. Lors d'une consultation, j'ai dit à Claude François qu'il était en danger. J'avais même écrit dans la presse qu'il était un ‘’colosse aux pieds d'argile’’ et qu'il devait faire attention, surtout à l'eau. En un éclair, je l'avais vu dans une barque qui prenait l'eau. ‘’Faites attention aux voyages en mer ou aux baignades’’, lui avais-je dit. Hélas, je n'avais pas su deviner que la barque était... sa baignoire! J'aimais beaucoup Claude François; après son électrocution, je me suis senti presque coupable ».

« D'autres voyances apparaissent comme des réussites presque incroyables. Un jour, un homme m'a confié: ‘’Ma femme m'a envoûté. Protégez-moi. Que dois-je faire? Tous les samedis, je me sens épuisé et suis obligé de me coucher’’. Il me donna quelques détails et me montra une photo de sa femme. Elle me fit une mauvaise impression. Subitement, j'eus la vision de la place de l'hôtel de la ville, et de quelques flacons de médicaments. J'étais troublé. Et si je me trompais? Je lui dis pourtant : ‘’Je crois que votre femme vous drogue tous les samedis matin pour aller à un rendez-vous; samedi prochain, jetez le café, car le somnifère est dans le café ; faites semblant de vous coucher, attendez dix minutes, et après le départ de votre femme, allez très vite au café "Les Armes de la ville". Mais je vous avertis ... je peux me tromper’’. Le samedi suivant, il y va, attend dans un coin, voit sa femme entrer dans le café et un homme la rejoindre. Ils vont ensuite à l'hôtel. Consterné, le client est revenu pour confirmer l'incroyable réussite de cette voyance ».

« En fait, la difficulté pour un voyant consiste à bien interpréter l'image mentale qui lui vient dans l'état de voyance. Plusieurs significations restent toujours possibles. D'où le risque évident d'erreur. Pour corriger le flou de certaines images, je complète ma voyance initiale en utilisant d'autres supports: tarots, lignes de la main, etc.

Inexpliqué : « Mais le voyant peut-il voir pour lui-même? »

Belline : « Je n'ai jamais vu pour moi-même ».

« Un jour, par exemple, je visitais une petite ville de Bretagne, Saint-Servan, et des affiches ont attiré mon attention : ‘’Visitez le zoo!’’ J'ai acheté du pain et du sucre, mais à l'entrée, les gardiens m'ont dit en riant : ‘’Vous savez, ils ne sont pas vraiment affamés’’. Je suis entré et je me suis aperçu qu'il s'agissait d'un zoo d'animaux empaillés! C'est une bonne leçon de modestie ».

Inexpliqué : « Pour la première fois dans le monde, un musée national, le musée des Arts et Traditions populaires, à Paris, présente au public le cabinet de consultation reconstitué d'un voyant. C'est à vous qu'échoit l'honneur d'une telle consécration » ... 

Belline: « Pour moi, c'est une sorte de conte enchanté. Une coïncidence inouïe. Savez-vous que, dès le début de ma carrière, je rêvais de m'installer près du bois de Boulogne? Or, la vitrine qui présente mon cabinet reconstitué donne précisément sur le bois !... Comment est-ce arrivé ? Peu de temps après la tragique disparition de mon fils Michel, j'ai proposé au ministre des Affaires culturelles de l'époque, Maurice Druon, de faire don à la France de deux jeux de tarots magnifiques, d'une valeur inestimable : les soixante-dix-huit lames et les cinquante-deux lames des jeux gouachés et aquarellés par le plus célèbre mage du XIXème siècle, Edmond. Ces jeux m'avaient été légués par l'une de ses descendantes. Picasso avait songé un jour les acquérir et les échanger... contre plusieurs de ses toiles ! Le voyant Edmond avait été consulté par Napoléon III, Victor Hugo, Alexandre Dumas. Le ministre me suggéra de les accompagner de quelques objets occultes familiers et je décidai de faire don au musée du décor de ma vie professionnelle. Françoise Giroud, devenue à son tour ministre de la Culture, me confirma officiellement son très vif intérêt pour ces dons. C'est ainsi qu'on peut voir aujourd'hui mon cabinet reconstitué! »

Inexpliqué : « Les sociologues reconnaissent aujourd'hui la réalité de ce phénomène social qu'est la voyance. Attendez-vous de la science des explications nouvelles ? »

Belline : « Je conclurai volontiers par une phrase du professeur Charles Richet : ‘’Nos descendants trouveront certainement étrange que nous ayons jugé indispensable de porter la responsabilité de tant d'omissions qui leur paraîtront sans doute des erreurs monstrueuses’’. Le professeur Richet faisait allusion aux limites et aux préjugés dans lesquels opérait la science de son temps ... Attendons donc avec confiance que les scientifiques s'engagent avec rigueur et prudence sur ces chemins nouveaux ».

Sources : Encyclopédie "L'Inexpliqué" - 1981

Autre interview de Marcel Belline réalisée par Jacques CHANCEL (29 septembre 1972)

 

Voir aussi : "Belline, Michel et l'au-delà"

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Astral 2000 - Gérard - Octobre 2016

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