LE CAS DE CHELTENHAM (GB)

Mots-Clés : Rosena Despart,Miss Morton,Cheltenham,Gloucestershire,Angleterre,dame en noir

En 1882, Rosina Despard (pseudonyme : Morton), une étudiante en médecine, fit le compte rendu d’un cas d’apparition dans une habitation de Circus Road, entre Pittville et Cheltenham (Gloucestershire - Angleterre)

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Compte rendu

« La maison fut construite en 1860 ; le premier à l'occuper fut un M. S…, qui y vécut seize ans. Durant cette période, dans le courant du mois d'août (l'année n'a pas été précisée), sa femme, qu'il aimait tendrement mourut. Pour étouffer sa douleur, il s'adonna aux liqueurs, ne tardant pas à devenir alcoolique. Deux ans après, il épousa une certaine Miss J. H…, qui s'était proposée de guérir son mari du vice qu'il avait contracté ; mais malheureusement, elle finit par devenir alcoolique à son tour. Il s'en suivit que leur vie conjugale fut bouleversée par des disputes continuelles, dégénérant parfois en des scènes violentes… Un beau jour, la femme se sépara de son mari, allant vivre à Clifton. »

« Après la mort de M. S…, la maison devint la propriété d'un certain M. L…, homme assez âgé, qui y mourut soudain six mois après. La maison demeura alors vide durant quatre ans environ ; on n'a pas de renseignements précis sur des manifestations supranormales qui s'y seraient produites en ce laps de temps ; mais quand on se livra à des enquêtes, on recueillit aussitôt de nombreuses rumeurs à ce sujet. En avril 1882, la maison fut louée par mon père le capitaine Morton ; c'est durant notre bail, actuellement non expiré, que se produisirent les phénomènes dont il s'agit. »

« Lorsque dans les derniers jours d'avril 1882 nous nous installâmes dans la nouvelle habitation, aucun de nous ne savait que des bruits couraient à propos de l'immeuble ; ce n'est qu'au mois de juillet suivant que je vis pour la première fois l'apparition. Je venais de me retirer dans ma chambre, mais je n'étais pas encore couchée, lorsque j'entendis que quelqu'un s'approchait de la porte ; croyant que c'était ma mère, j'allai ouvrir. Je ne vis personne, mais en m'avançant dans le couloir, j'aperçus une dame de haute taille, habillée de noir, arrêtée sur le palier. Quand j'arrivai, elle commença à descendre et je la suivis, curieuse de savoir qui elle était. Malheureusement, je m'éclairais avec une bougie qui s'éteignit tout à coup, m'obligeant à revenir en arrière. J'avais vu toutefois une forme de femme de taille élevée, habillée d'une robe en laine noire qui ne produisait presque pas de bruit dans la marche ; son visage était caché par un mouchoir tenu dans la main droite. La main gauche était en partie cachée dans la large manche, sur laquelle on voyait le brassard noir, distinctif de son deuil de veuve. Elle n'avait pas de chapeau, mais on voyait sur sa tête quelque chose de noir qui semblait un bonnet entouré d'un voile. Je n'avais pas pu observer autre chose ; mais en plusieurs occasions, je parvins à discerner une partie de son front et de ses cheveux. »

« Dans les deux années suivantes – entre 1882 et 1884 –, je vis la forme cinq à six fois… D'autres personnes de la maison la virent trois fois… Ma sœur K… en premier lieu, ensuite la domestique, enfin mon frère avec un autre enfant… »

« Il m'arriva à plusieurs reprises de la suivre ; généralement, elle descendait l'escalier et entrait dans le petit salon, restant debout dans l'angle droit de la véranda, où elle demeurait plus ou moins longtemps. Elle revenait ensuite sur ses pas et poursuivait le long du couloir jusqu'à la porte du jardin, où elle disparaissait tout à coup. »

« La première fois que je lui adressai la parole, ce fut le 29 janvier 1884 ; comme j'en ai parlé, deux jours après, dans une lettre à une amie, je cite ce passage de ma lettre : ‘‘J'ouvris doucement la porte du petit salon et je m'y introduisis en même temps que la forme ; celle-ci pourtant me devança en se rendant près du sofa, où elle resta immobile. J'avançai aussitôt en lui demandant en quoi je pourrais lui être utile. A ces mots, elle tressaillit légèrement et parut se disposer à parler. Elle alla dans le salon et poursuivit jusqu'à la porte du jardin, où elle disparut, comme d'habitude…’’ »

« En d'autres occasions, j'ai même cherché à la toucher, mais toujours en vain, car elle m'évitait d'une manière curieuse ; non qu'elle fût impalpable, mais elle semblait être toujours hors de ma portée ; si je la suivais dans un coin, alors elle disparaissait tout à coup. »

« Durant ces deux années, les seuls bruits que j'entendis consistaient en un heurt léger à la porte de ma chambre, accompagné du son de pas ; si je regardais alors à la porte, invariablement je voyais la forme… »

« Les apparitions atteignirent la période de la plus grande fréquence durant les mois de juillet et août 1884, après quoi elles commencèrent à décroître ; elles paraissent avoir actuellement cessé. Je garde un souvenir de ces deux mois dans un recueil de lettres-journal que j'adressai à une amie ; j'en tire ce passage, portant la date du 21 juillet : ‘‘Il était 9 heures du soir, et j'étais assise avec mon père et mes sœurs dans le petit salon, près de la véranda. Pendant que je lisais, je vis la forme entrer par la porte ouverte, traverser la chambre et venir se placer derrière ma chaise. Je m'étonnais qu'aucun des assistants ne l'aperçut, alors que je la voyais si nettement. Mon frère, qui l'avait déjà vue, n'était pas dans la chambre. La forme resta derrière ma chaise durant une demi-heure environ, se dirigeant ensuite vers la porte. Je la suivis, sous le prétexte d'aller chercher un livre et je la vis traverser la salle, se diriger vers la porte du jardin, et disparaître au moment d'y parvenir. Au moment où elle passait au pied de l'escalier, je lui adressai la parole sans obtenir de réponse, bien que, comme la première fois, elle parût tressaillir et vouloir parler…’’ »

Rosina despardRosina Despard (Miss Morton)

« Dans la nuit du 2 août, le bruit des pas fut entendu par mes trois sœurs et la cuisinière, qui dormaient à l'étage supérieur, et par une sœur mariée, Mme K…, qui couchait au rez-de-chaussée. Le matin venu, toutes racontent avoir entendu les pas de quelqu'un qui allait et venait devant leurs portes… C'étaient des pas caractéristiques, tout à fait différents de ceux de l'un ou de l'autre membre de la famille ; ils résonnaient lentement, délicatement, mais d'une manière ferme. Mes sœurs et les domestiques n'osaient pas sortir quand ils les entendaient, mais si j'ouvrais la porte, j'apercevais alors invariablement la forme… »

« Le 12 août, vers 8 heures du soir (donc encore en lumière du jour), ma sœur E… était en train d'étudier son chant, quand elle s'interrompit brusquement et courut dans le salon pour m'appeler. Elle dit que, pendant qu'elle était au piano, elle avait aperçu soudain la forme à côté d'elle. Nous allâmes dans le petit salon et la trouvâmes encore immobile et droit dans l'angle habituel de la véranda. Je lui adressai pour la troisième fois la parole, mais toujours inutilement. Ella resta sur place dix minutes environ, après quoi elle traversa la pièce, passa dans le corridor, poursuivit jusqu'à la porte du jardin et disparut. Un instant après, voilà qu'arriva du jardin ma sœur M… criant qu'elle avait vu la forme traverser la pelouse et se diriger vers le potager. Ce soir-là, nous fûmes donc quatre à la voir… »

« Je noterai que, si l'on prenait des dispositions pour en surveiller l'apparition aux moments où l'on pensait qu'elle dût se manifester, notre attente restait invariablement déçue… »

« Durant le restant de l'année 1884 et de celle qui suivit, l'apparition continua à se faire voir souvent, surtout aux mois de juillet, août et septembre, dans lesquels se trouvaient les trois dates de mort : celle de M. S… (14 juillet), celle de sa première femme (août), et celle de la deuxième (23 septembre). Les apparitions continuèrent à être du même type pour tout le monde ; on les vit déambuler dans les mêmes endroits à plusieurs reprises. »

« Le bruit des pas continua a se faire entendre ; avec nous, les entendirent de nombreux amis et les nouveaux domestiques ; en tout une vingtaine de témoins, dont plusieurs ignoraient les faits. On entendait parfois d'autres bruits, paraissant augmenter progressivement d'intensité ; ils consistaient en une impression de pas au deuxième étage, en des coups sourds contre les portes des chambres, en des tours exécutés aux boutons des portes… »

« De 1887 à 1889, on ne vit que rarement la forme ; le bruit des pas continua mais les autres bruits cessèrent peu à peu. De 1889 à 1892, la forme ne se laissa plus apercevoir ; les pas continuèrent quelque temps encore, ensuite ils cessèrent définitivement. »

« Dans ses dernières apparitions, la forme était devenue beaucoup moins substantielle. Jusqu'en 1886, elle apparut si solide et réelle qu'elle pouvait être prise pour une vivante, mais elle commença ensuite à devenir de moins en moins distincte, bien que, jusqu'à la fin, elle interceptât la lumière.  On n'eut pas l'occasion de constater si elle projetait son ombre… »

« Plusieurs fois, avant de me coucher, et alors que les autres membres de la famille s'étaient déjà retirés pour la nuit, j'essayai de fixer des fils attachés des deux côtés avec de petites boules de colle, de telle façon qu'un heurt très léger suffisait à les faire tomber sans que le passant s'en doutât et sans qu'il pût les apercevoir à la lumière d'un bougie. Deux fois, je vis la forme passer à travers les fils, qui demeurèrent intacts. »

« Il n'est pas facile d’exprimer ce qui se rapporte aux sensations éprouvées en présence de la forme. Les premières fois, peut-être, j'éprouvais surtout un certain sentiment de peur de l'inconnu, mêlé à un vif désir de pénétrer le mystère. Après quelque temps, quand les apparitions ne constituaient plus pour moi une nouveauté, et que je me trouvais en état d'analyser avec calme mes impressions, j'éprouvai certainement la sensation de perdre quelque chose, comme si la forme m'avait retiré de la force. Les autres percipients parlent, au contraire, de l'impression d'un souffle froid ; quant à moi, je ne l'ai pas constaté. »

« Nous parvînmes à la conclusion que l'apparition était en rapport avec la deuxième femme de M. S…, et voici pourquoi :

l'historique de la maison était entièrement connu ; en voulant rattacher la force mystérieuse à l'un ou l'autre de ses anciens habitants, Mme S… était la seule personne qui ressemblât au fantôme.

la forme apparaissait habillée en deuil, ce qui ne pouvait pas se rapporter à la première femme de M. S….

plusieurs personnes qui connurent la seconde femme de M. S… l'identifièrent aussitôt avec la forme décrite par nous. On me présenta aussi un album de photographies, parmi lesquelles j'en choisi une comme étant celle qui ressemblait le plus à la forme que j'avais vue ; c'était la photographie de sa sœur, qui lui ressemblait beaucoup, au dire de tous ceux qui les connurent toutes les deux.

sa belle-fille, ainsi que d'autres personnes qui l'ont connue, racontèrent qu'elle passait ses journées dans le petit salon où elle apparaissait sans cesse, et que la place où elle se tenait était justement l'angle de la véranda où la forme s'arrêtait.

la forme est sans doute rattachée à la maison, puisqu'elle n'a été vue nulle part ailleurs, et qu'aucun de nous ne vit jamais en d'autres lieux des apparitions hallucinatoires. »

Dame en noirLa Dame en noir (Photo d'illustration)

« Je termine ici les citations, remarquant que les récits des autres témoins concordent tous avec ceux de Miss Morton, et qu'il en résulte que la forme apparaissait constamment dans une attitude de femme vaincue par la douleur et en proie à une crise de larmes, le visage en partie caché dans un mouchoir qu'elle tenait dans sa main droite. »

« Bien que ce cas ne contienne rien de sensationnel, il est néanmoins très remarquable à cause de son authenticité incontestable et des apparitions très nombreuses de la même forme fantomatique durant la période assez longue de sept ans. Au point de vue des percipients, les apparitions paraissent être tout à la fois collectives et électives, alors que les bruits hanteurs semblent avoir été toujours collectifs. »

« Les modalités sous lesquelles la forme se manifestait peuvent se prêter à des interprétations contradictoires, chose qui ne doit pas nous étonner et qui prouve uniquement notre ignorance à ce sujet. Ainsi, par exemple, le fait que la forme ne se laissait jamais approcher ni toucher, et qu'elle semblait tressaillir quand on lui adressait la parole, laisserait supposer qu'elle savait dans quel milieu elle se trouvait ; en ce cas, on pourrait penser qu'elle personnifiait une entité spirituelle en quelque sorte objective ; induction renforcée par la déclaration de Miss Morton que « en présence de la forme, elle se sentait perdre quelque chose, comme si la forme lui avait retiré de la force » ; cette sensation impliquerait l'existence de facultés médiumniques chez la percipiente, grâce auxquelles l'entité en question serait parvenue à se rendre visible, bien que non encore tangible. »

« Cependant, on remarque d'autres circonstances dans lesquelles l'automatisme incontestable du fantôme contraste avec les conditions conscientes dont nous venons de parler. Telles sont les circonstances de sa démarche sans but, son attitude toujours identique. Pourtant, si l'on admettait les conditions d'automatisme inconscient du fantôme, il devrait être considéré comme la projection ‘‘télépathico-hallucinatoire’’ d'une pensée obsessionnelle ayant pour siège une mentalité souvent orientée vers le lieu hanté ; ce qui ferait songer à la feue Madame S… plus encore si on considère les inductions rationnelles et probantes exposées à cet égard par Miss Morton. »

« Il y aurait toutefois une autre version plausible des faits, grâce à laquelle on pourrait concilier les circonstances contradictoires en question ; elle consisterait à admettre l’objectivité du fantôme, en supposant que son attitude toujours identique fût intentionnelle, et aussi à admettre une certaine vraisemblance dans le cas dont nous nous occupons, mais elle ne s’adapterait pas à la plupart des épisodes d’automatisme fantomatique, où l’état de vraie inconscience se montre indubitable, de telle sorte qu’on doit les considérer seulement comme des simulacres ‘‘télépathico-hallucinatoires’’.

Ref. / Fr. Myers, P.S.P.R. VIII, 311, cas 4 de Bozzano, 41.

Astral 2000 – Gérard – Février 2018

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