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Le Bruxelles ésotérique

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Bruxelles

La Grand-Place de Bruxelles

Parmi les « demeures philosophales » chères à l'alchimiste Fulcanelli, on cite généralement l'hôtel Lallemant à Bourges, le château de Blois et d'autres « logis hermétiques » situés en divers lieux de France. On n'a que rarement fait état de la Grand-Place de Bruxelles, qui doit pourtant être rangée parmi les chefs-d'œuvre de l’Art royal.  

Il faut savoir interpréter les signes de ce « livre de pierre », pour reprendre la belle expression que Victor Hugo appliqua aux cathédrales, mais qui peut trouver une illustration dans tous les « rébus vivants ».

Les circonstances qui ont présidé à la naissance de ce haut lieu architectural sont par elles-mêmes singulières.

Après le bombardement de Bruxelles par le maréchal de Villeroi, en août 1655, il ne subsiste plus grand-chose de la place principale dont s'enorgueillissaient les Bruxellois. Seul l'hôtel de ville est encore debout ainsi qu'une maison ; tout le reste n'est plus que ruines et gravats. Les autorités décident de reconstruire la Grand-Place, et l'on se met immédiatement à l'œuvre.

En cinq ans, de 1697 à 1702, les travaux de déblaiement sont menés à bien, les plans dressés et l'ensemble architectural rebâti selon des normes entièrement nouvelles.

Le jour de l'inauguration, le contrôleur général De Bruyn peut lancer aux compagnons des corps de métiers ayant concouru à établir le « chef-d'œuvre » : « Vous avez eu la conscience de travailler pour l'éternité ! »

Phrase mystérieuse et sur laquelle les historiens ont pâli. Que voulait dire le « maître d'œuvre » de cet ensemble en parlant ainsi? Ne laissait-il pas filtrer un rayon de lumière sur le secret dissimulé aux profanes, à destination des « enfants de Salomon », les frères bâtisseurs dont il était le chef? De Bruyn appartenait, il faut le rappeler, à la loge opérative bruxelloise des Quatre Couronnés, où son frère, Guillaume De Bruyn, s'était déjà fait recevoir avant d'accéder à la charge de magistrat de la cité.

Le maître maçon n'avait pas prononcé ces paroles de n'importe quel point mais d'un endroit bien précis de la Grand-Place : du midi, siège de l'Orateur dans une loge maçonnique, et du haut de l'Arbre d'or (il était monté sur un échafaudage), sous la statue équestre dorée à la feuille de l'électeur Maximilien de Bavière, arborant sur sa poitrine l'insigne collier de la Toison d'or. Sait-on que la Toison d'or, outre l'ordre célèbre fondé par les ducs de Bourgogne en référence à Jason, est le titre d'un traité alchimique fameux dû à la plume de Salomon Trismosin qui vécut au XVIème siècle, texte constamment réédité depuis?

Maison de l arbre d or maison des brasseurs

La maison de l'Arbre d'Or

Maximilien emmanuel de baviere par joseph vivien

Maximilien - Emmanuel de Bavière

Faisant face à la statue de Maximilien, de l'autre côté de la place et comme lui donnant la réplique, se dressait, et se dresse encore, un saint Boniface reposant sur un socle où l'on remarque un chêne sculpté, figure hermétique bien connue. Curieusement, le saint n'est pas revêtu, comme il devrait l'être, d'une dalmatique d'évêque, mitre en tête et crosse en main : il est représenté en blouse d'artisan, le genou découvert, et coiffé d'un bonnet que l'on dirait phrygien. Ces attributs conviennent parfaitement à un adepte, et le blason qui l'accompagne fait référence à la corporation des tailleurs d'habits dont saint Boniface est le patron, qui se fête dans un grand nombre de villes d'Europe.

St boniface

Saint Boniface

Le mot latin sartor inscrit sur le socle dans un cartouche signifie « tailleur », mais il est à rapprocher également de sator, qui, dans la même langue, est le nom qui désigne l’Adepte ou le Semeur.

Comme pour confirmer cette intelligence avec l'art d'Hermès, un troisième personnage, saint Nicolas, se dresse sur le gable couronnant la toiture de la maison du Renard, désigné à notre attention par l'index de son homologue.

Saint nicolas

Saint Nicolas

Sis entre deux pots de flammes, le saint myrophore nous rappelle le précédent de Nicolas Flamel, le célèbre alchimiste parisien. Avant d'être remplacée, sous l'effet des injures du temps, la statue primitive tenait dans sa main droite un grimoire ouvert, à n'en pas douter le « Livre des figures hiéroglyphiques » de Flamel, réédité à Paris en 1612 d'après un vieux manuscrit.

Nicolas flamel

Nicolas Flamel

Ces trois personnages sont donc de connivence pour nous faire entrer dans le symbolisme architectural de la Grand-Place et de ses enseignes hautement chargées de sens. Parmi les quelque cinquante panonceaux peints avec soin et ornés de calligraphies polychromes, on reconnaît plusieurs emblèmes alchimiques : l'âne (coin nord) qui, traditionnellement, est un « mangeur de roses » (voir L'Ane d'or d'Apulée). La maison opposée à la maison de l’Âne est d'ailleurs celle de la Rose.

Maison de l ane

La maison de l'Âne

Au départ de l'œuvre, l'âne symbolise l'apprenti-sorcier capable de déclencher des catastrophes en mettant en branle des forces qu'il ne contrôle pas, celles-ci étant représentées par des instruments de musique, rappel évident des vibrations cosmiques porteuses de l'énergie universelle.

Maison de la rose

La maison de la Rose

S'il se nourrit finalement de roses, c'est que l'âne, de fol, le fou, est devenu sage. Entre ces deux stades, bien des étapes sont nécessaires. Il faudra passer par la « fontaine des Trois Pucelles » (malheureusement disparue aujourd'hui), où les « vénus de carrefour » avaient pris l'habitude de jeter quelques piécettes en invoquant la protection de saint Nicolas. De nos jours, si le rite persiste, le récipient a changé. Ce n'est plus la vasque de la fontaine, mais la baratte d'une laitière, dont la statue voisine celle du saint évêque de Myre, qui récolte la monnaie.

Fontaine des trois pucelles

La Fontaine des Trois Pucelles

La raison de cette coutume est simple : la légende veut en effet que saint Nicolas ait remis trois prostituées dans le droit chemin en leur lançant à chacune une bourse pleine d'or, générosité qui leur permit de convoler en justes noces et même, ô miracle ! de retrouver ce que l'on dit pour toujours perdu ...

On donne encore pour attributs à Nicolas de Myre « trois pommes d'or », ce qui nous rapproche encore de l'alchimie et du traité de Michel Maïer, Atalante fugitive.

Un peu plus loin, la maison du Renard nous montre sur son enseigne peinte une scène de « Iessive », qui a rapport à une certaine phase de l'œuvre au stade de la purification.

Maison du renard

La maison du Renard

L'observateur attentif remarquera encore que la numérologie sacrée est partout présente sur la Grand-Place : de même que le texte de La Toison d'or, déjà cité, comporte sept traités, sept blocs d'immeubles départagent l'ensemble architectural, chacun composé de sept maisons.

Tout en haut, la rose à sept pétales rappelle le but à atteindre. Ces séquences de sept enseignes convergent toutes vers saint Michel, avatar de Mercure et symbole du couronnement de l'œuvre puisque, il est vrai, l'archange victorieux domine le beffroi de l'hôtel de ville, porté à 96 m au-dessus du sol.

St michel

Saint Michel

D'un point à un autre, en se déplaçant dans ce « Iabyrinthe » qu'est la place avec ses multiples enseignes « parlantes », on retrouve les sept opérations du « magistère » à partir de l'œuvre au noir : calcination, sublimation, conjonction, coagulation, rectification, fixation et multiplication, par projection de la pierre philosophale. C'est pourquoi, il faut achever son périple par la maison de l'Étoile, symbole du « rubis » obtenu.

Maison de l etoile

La maison de l'Etoile

Enfin, on ne saurait parler de la Grand-Place sans évoquer le légendaire Manneken-Pis, et pas seulement pour s'esbaudir devant la gaudriole.

Manneken pis

Manneken-Pis

Le Trismosin, le savant alchimiste, dans son recueil de La Toison d'or, représente un enfant urinant, qui renouvelle d'ailleurs son geste impudent en d'autres lieux (Grammont [en néerlandais : Geraardsbergen, Belgique], Bourges et Rouen en France, notamment). La valeur hermétique de la présence du « petit Julien » n'est pas contestable. La statue de Bruxelles est une réplique très ressemblante du tableau de l'enfant présenté par l'auteur alchimiste.

Le Voyage Alchimique - La Grand-Place de Bruxelles

C'est une figure de la « distillation » en vue d'élaborer le suc mercuriel : l' « or potable », dont on dit qu'il est aussi eau de jouvence éternelle. Sept figures symbolisant les étapes de cette opération sont justement placées dans le voisinage de l'hôtel de ville, cœur du dispositif : un chien-loup (mur latéral de la maison de l'Étoile) ; les sept étoiles auréolant le chef de l'archange Michel ; les deux fontaines situées au pied de la tour de l'hôtel de ville ; les deux lions héraldiques crachant l'eau vers la rue de l' Amigo ; un triton, remplacé depuis par un personnage accoudé situé au bas de la rue déjà citée. On appelle ce personnage le « cracheur ». Ce lieu portait le nom de « fontaine bleue ».

La dernière fontaine est celle du Manneken-Pis, qui représente un garnement urinant dans une vasque, flanqué de part et d'autre de deux vases, et debout devant une coquille à sept stries sous laquelle pouvait se lire autrefois cette inscription tirée des psaumes :

IN PETRA EXALTA VIT ME

ET NUNC EXALTAVI CAPUT MEUM SUPER INIMICOS MEOS

Littéralement :

« Il m'a exalté dans la pierre, et maintenant j'ai dressé ma tête au-dessus de mes ennemis ».

Comprenne qui pourra !

Telle est, schématiquement résumée, la signification solaire et hermétique de la Grand-Place de Bruxelles.

Bruxelles recèle bien d'autres lieux mystérieux chargés de sens. Ne serait-ce que dans ses entrailles souterraines qui, depuis les grands travaux d'urbanisme entrepris aux XIXème et XXème siècles, ont révélé de nombreux trésors, en espèces sonnantes et trébuchantes.

Bruxelles a vu passer dans ses murs le mystérieux comte de Saint-Germain, agent secret, dit-on, de Louis XV et alchimiste à ses heures, le spagyriste Cagliostro, Gérard de Nerval, l'initié des Illuminations, avant de devenir tout au long du XIXème siècle le refuge des conspirateurs et des proscrits et l'un des centres les plus actifs de la franc-maçonnerie universelle.

Témoin de cette « marque », la promenade vers le parc de Bruxelles, tracée au XVIIIème siècle par Guimard et que prolonge la Grand-Place, tandis que la statue équestre de Charles de Lorraine désigne du doigt le chemin par où il faut passer.

 Regle ou levier

Règle ou Levier

Marteau

Marteau

   Le niveau

Le Niveau

La truelle

La Truelle

Le plan cavalier de ces jardins permet de distinguer, sans aucune confusion possible, un compas géant dont un bassin circulaire serait la vis. Si l'on veut bien « marquer le pas », on retrouve d'ailleurs en se promenant dans ce parc avec un œil perspicace, outre l'emblème maçonnique bien connu, tous les instruments des bâtisseurs : le marteau, le burin et le maillet, le ciseau, l'équerre, la règle et le levier, toutes ces figures sont inscrites dans le plan des jardins. Il suffit de s'y reporter. On y découvrira encore, pour peu qu'on s'obstine, le fil à plomb, le niveau et la truelle, emblème maçonnique de la fraternité universelle et de la tolérance. Son « manche » déborde sur la place Royale, où viennent le saisir comme une main les constructeurs de la loge Saint-Charles, lieu de réunion des initiés.

La perpendiculaire inversee

Le Fil à Plomb (Inversé)

Equerre et ciseau

Equerre et Ciseau

Compas maillet

Compas et Maillet

Décidemment, Bruxelles, dont il faudrait citer bien d'autres monuments intéressants, n'a pas fini de nous étonner !

Astral 2000 – Gérard – Novembre 2017

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