Bruxelles et ses fondateurs

Mots-Clés : Bruxelles,Belgique,Charles de France,Basse-Lorraine,Bruocsella,sainte Gudule,saint Michel,Iris

 

Si Bruxelles ne peut invoquer une antiquité égale à d'autres capitales comme Rome, Vienne ou Paris, cette grande cité prend pourtant place honorablement, comme toutes les villes traditionnelles, parmi les fondations sacrales.

Encore que nous connaissions mal, en général, les noms des héros fondateurs de villes, si ce n'est par des récits légendaires, tel celui de Romulus et Remus pour la ville aux sept collines (Rome), l'histoire, elle, nous renseigne sur la personnalité qui se trouve à l'origine de la création de la cité bruxelloise : il s'agit d'un homme bien réel, Charles de France, dernier descendant mâle en ligne directe de Charlemagne, rejeton d'une dynastie auréolée de prestige, celle des Carolingiens. L'origine de Bruxelles (en néerlandais : Brussel) n'en reste pas moins enveloppée de mystère comme tout ce qui concerne la géographie sacrée.

Grand Place de Bruxelles (panoramique)

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Pour en revenir à Charles, rappelons que par sa mère, Gerberge, reine douairière de la Basse-Lorraine, c'est du sang mérovingien qui coule dans ses veines.

Devant défendre son héritage lorrain à la fois contre les empiètements de Lothaire, roi de France, et les ambitions de l'empereur Othon qui règne sur le monde germanique, Charles rassemble son armée et vient mettre le siège devant Mons, qu'il investit victorieusement au printemps 976.

Il se retranche ensuite dans le château fort de Bruocsella, dont il fait son quartier général. C'est de cette place forte que naîtra Bruxelles en tant que ville, portée sur les fonts baptismaux au milieu du fracas des armes, par des fées guerrières, prémices que ne démentiront pas les événements et tous les assauts que devra connaître la cité tout au long des siècles.

En réalité, Charles de France n'a pas choisi au hasard cet enclos fortifié situé sur le cours d'un sous-affluent de l'Escaut, la Braine. Bruocsella relève d'une tradition initiatique tenant surtout compte des « hauts lieux » élus par les combattants avant de livrer bataille.

Charles de france

Charles de France

C'est tout près de là que se situe l'un des sept monts sacrés d'Occident voués à saint Michel Archange, Angelus Victor (l'ange victorieux) des soldats romains, archistratège des Byzantins et, traditionnellement, « prince des armées célestes ». Par analogie, les armées chrétiennes ont vu en saint Michel leur protecteur désigné. En tout cas, le mont sacré de Belgique est l'analogue du mont Gargan italien, du mont Mercure vendéen, du Mont-Saint-Michel normand et du mont Aiguille vellave.

Le lieu est en outre sanctifié par l'hagiographie chrétienne qui a placé là l'épisode édifiant de la mort d'un saint, en l'occurrence saint Vindicien, évêque de Cambrai, dont la juridiction s'étendait jusqu’au-delà de la plaine bruxelloise, en Hainaut et Brabant. La chapelle édifiée à cet endroit marque la permanence des sanctuaires et des « sites porteurs de force », l'ange psychopompe ayant succédé dans ses fonctions à l'ancien dieu Mercure (l'Hermès des Grecs), divinité des routes et patron des voyageurs, ce dernier ayant déjà supplanté le Lug gaulois, beaucoup plus ancien. La région est d'ailleurs riche en mégalithes qui témoignent d'une implantation druidique bien enracinée.

Quant au nom de « Bruocsella », il dérive d'un toponyme celte et de la racine mère bruco, ou bruoc, qui sert à désigner une lande broussailleuse, terme dont on a tiré le mot « bruyère », appliqué à la plante vivace habituée de ces terres déshéritées.

La deuxième partie du nom : sella, ou sale, fait penser bien évidemment à une terre salée ou saline, comme le sont les landes marécageuses où fleurit le lis des marais, équivalent occidental du lotus indo-gangétique poussant sa corolle au-dessus des eaux immobiles. Ici, la robe jaune d'or de l'iris se transformera en fleur de lys royale, emblème de la Maison de France.

Mais si l'on s'en tient à l'étymologie, le mot est à rapprocher du latin cella, qui signifie « chapelle », « petit temple » « ermitage ». Dans ce cas, Bruocsella serait «  la lande de la chapelle ». Venant renforcer ce climat, la présence toute proche de l'ensemble des menhirs d'Anderlecht n'est peut-être pas due au simple hasard. En outre, ce qui n'est pas négligeable, l'emplacement de Bruxelles se trouve sur le passage de l'antique voie romaine reliant la Flandre au Rhin.

L'île marécageuse, qui ressemble alors à la Bièvre de Paris, hantée encore au Moyen Âge par les castors et les ermites, est au centre des territoires revendiqués comme son apanage par le prince Charles, dont le duché de Basse-Lorraine s'étend bien au-delà des limites de l'actuelle Belgique, à la fois au sud et à l'est.

Basse lorraine vers l an 1000 rose

En rose, la Basse Lorraine vers l'an 1000

C'est en tout cas pour respecter le vœu formel de Charles que l'empereur Othon en personne vint poser sur sa tête la couronne ducale, recevant le serment d'allégeance de son vassal sur le site de Bruocsella. C'est ainsi que, pareil au roi David de l'Ancien Testament ( une fois vainqueur des Jébuséens, qui décida de fonder sa capitale sur l'emplacement de leur citadelle à Jérusalem ), Charles, ayant triomphé par la fortune des armes, résolut de dresser les plans d'une ville au lieu où il avait établi son camp, afin de bien marquer son rôle à venir : celui d'une cité royale.

En effet, depuis l'époque la plus reculée, le choix de l'emplacement d'une ville obéit à des considérations d'ordre mystique, les impératifs socio-économiques dont les temps modernes sont si friands, étant très loin des préoccupations de nos aïeux.

Image du Cosmos, la ville traditionnelle reflète l'Univers tout entier, dont elle est une réduction au plan du microcosme, c'est pourquoi sa « naissance » répond à des critères ésotériques parmi lesquels il faut mentionner plusieurs composantes : l'aspect bénéfique du ciel zodiacal, la ville étant, comme l'homme, reliée au monde stellaire; la présence de certaines données de géographie sacrée (montagne, source, cours d'eau) montrant que la cité est de même reliée au monde tellurique et soumise aux influences de la Terre mère. Il serait donc absurde de penser que Bruxelles a été une exception échappant à ce destin « sacral » et n'a pas obéi aux règles présidant aux rites de fondation. Seulement, en terre de chrétienté, l'évêque, pontife nouveau, a remplacé les prêtres et druides de l'ancien culte, agissant cette fois au nom du Christ, « pierre d'angle » de l'Église, consacré par sa mission de Prêtre, Prophète et Roi, revêtu de la triple dignité attachée à la descente de l' avatar.

Comment agissait-on au Moyen Âge pour consacrer un lieu? Tout simplement en « faisant la pige ». Et ceci n'a rien d'un canular, même si l'expression est passée en langage populaire.

Les Anciens plantaient à l'endroit choisi le tronc d'un jeune arbre, taillé à hauteur d'homme. C'était le « gnomon », dont l'ombre, mesurée aux deux solstices, hiver et été, permettait, selon une formule connue des astronomes mais qui était alors le secret des prêtres, d'établir, en rapportant sa hauteur à celle du Soleil sur l'horizon, la latitude du lieu. Ce calcul allait servir à déterminer ce que les maçons appelleront plus tard la « pige », à savoir : l'étalon qui serait employé pour dessiner les plans et fixer les mesures officielles de la nouvelle cité.

Latitude et ligne méridienne combinées avec le gnomon pour centre formaient une croix qu'ils traçaient sur le sol. Un troisième axe allait s'y inscrire, étant celui d'un temple calculé d'après les astres, sur le point où le soleil se lèverait au matin du jour où serait ainsi célébré le rite solennel de fondation. La naissance d'une ville était ainsi basée sur un horoscope soigneusement préétabli, et sans nul doute favorable. Car nos ancêtres estimaient que les cités comme les hommes avaient leur image et leur existence écrites dans le ciel par les sept planètes.

Ces données astronomiques allaient en outre permettre de définir l'emplacement du mundus, ou omphalos, cœur de la future agglomération, où une fosse ronde serait creusée dans le sol pour y encastrer une sorte de gros moellon, dénommé « pierre des mânes ». Son rôle était de boucher la porte des Enfers, pour empêcher que ne reviennent les ombres de ceux qui seraient enterrés dans ces murs. Les Romains, en effet, et les Étrusques avant eux, imaginaient qu'il existait sous terre comme un reflet inversé de la ville des vivants, celle des morts. Un des buts de leurs rites de fondation était de souder cette nécropole surréelle, via la pierre des mânes, à l'archétype céleste trouvé dans les étoiles.

La religion chrétienne s'était bornée depuis à circonscrire cette magie par l'introduction d'exorcismes, de prières propres, tout en déposant des reliques en terre afin de marquer les lieux d'une influence différente. Plusieurs églises de France portent encore sur leurs murs un gnomon, et Bruxelles, pour sa part, vénère sa pige à Laeken. C'est le fameux Gerbert, futur pape sous le nom de Sylvestre II, connu comme fervent de philosophie hermétique et de mathématiques sacrées, qui procéda aux rites de fondation. Nul ne pouvait être mieux choisi que l'écolâtre de Reims, initié aux arcanes des rituels les plus évocatoires.

La date du 11 août 979 semble la plus probable pour cette cérémonie, établie par divers recoupements, encore qu'elle ne soit pas absolument certaine. Après que les reliques de saint Géry eurent été déposées en terre au-dessous de l'autel où devait officier l'évêque, le pontife mit en place la première pierre de la cité en son point central « idéal », à l'heure correspondant à l'apogée du soleil dans le ciel, c'est-à-dire à midi.

Lion 1

Astrologiquement, on se trouvait dans le signe du Lion, bénéfique entre tous et porteur des forces cosmiques de puissance et de vie. La veille, un jeune arbre avait été planté, dans la mouvance des hautes traditions celtiques. Sainte Gudule fut choisie comme protectrice attitrée de la nouvelle cité, comme pour imiter Paris, dont sainte Geneviève était la patronne, sous le signe de la lignée de Mérovée.

Cathedrale sts michel et gudule

Cathédrale des saints Michel et Gudule

Le corps de la sainte fut exhumé solennellement du lieu où elle reposait, dans l'abbaye de Ham, un petit bourg situé à deux heures de là, et déposé dans une crypte aménagée à cet effet.

La tradition relate que, lors de la translation des reliques, un phénomène extraordinaire et inexplicable, sinon par une intervention surnaturelle, eut lieu : lorsqu'on voulut ouvrir le cercueil pour reconnaître les restes de sainte Gudule, les ténèbres envahirent la crypte, frappant tous les assistants de terreur. Trois nuits de jeûne et de prières ne furent pas trop longs pour voir cesser ce miracle, que les chroniques rapportent avec étonnement pour l'édification de générations de croyants qui ont placé tous leurs espoirs dans la religion nouvelle du Christ.

Dernier bastion de la dynastie carolingienne, au cours des luttes épiques opposant familles et dynasties rivales tout au long des Xème et XIème siècles, Bruxelles a gardé l'emblème de la généalogie royale fondatrice du royaume prédestiné : l'iris, dont la fleur orne le sceptre de tous les descendants de Charlemagne et de Clovis sous le nom de « fleur de lys », symbole adopté par la monarchie française dans son blason héraldique.

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Fête de l'Iris

L'iris jaune, couleur de flamme, justifie son identification avec la bannière royale où s'étalent en lettres de feu les voyelles et consonnes du cri guerrier « Montjoie et Saint-Denis », qui est le signe de ralliement des rois de France. Et l'on a dit de cette oriflamme présente auprès du souverain dans toutes les batailles, par un jeu de mots qui en révèle plus qu'on pourrait le croire, que « l'or y flambe ».

Iris jaune

Astral 2000 - Gérard - Novembre 2017

 

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