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Le cercueil maudit de Horitz 1

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Fcendeux

Vers les années 30 et jusqu'en 1951, le « professeur » Horitz (de son vrai nom: Aimé, Marius, Félix Orinier, né le 26 septembre 1899 à Marseille et décédé le 26 septembre 1951 à Marseille) parcourut les routes de France avec sa roulotte et son « Temple de la Magie », assisté par Margot, sa charmante épouse.

Avaleur de sabre et de tisons enflammés, escamoteur de colombes, fakir à ses heures en se couchant dévêtu sur une planche à clous, décapitant allègrement à la hache sa femme ou la faisant « voler » en état de catalepsie, le « professeur » Horitz recueillait un succès mérité. Mais les débuts ne sont jamais faciles et le couple Horitz - avant d'avoir acquis sa juste renommée - comprit rapidement que les colombes, les boules escamotées et autres tours mineurs ne satisferaient pas éternellement le public des grandes villes. Il fallait donc « démarrer très fort » sur une attraction de qualité. La chose est facile, quand on a du talent et Horitz n'en manquait point. Il n'avait même que cela ! L’argent faisait défaut. Or, toute attraction internationale coûte fort cher.

Horitz confia donc ses soucis à son confrère Doryan, lequel, avec son bon sourire, fouilla dans sa bibliothèque et revint en brandissant un livre volumineux, rédigé en anglais :

- J'ai là ce qu'il te faut : les plans du cercueil de la « femme sciée en deux » !

Horitz feuilleta l'ouvrage et, bien que ne parlant point l'anglais, il fit la moue en regardant les illustrations : pour réaliser ce tour, il fallait trois personnages. Or, les Horitz n'étaient que deux et n'avaient pas les moyens de rémunérer un troisième partenaire.

- Ne t'inquiète pas, assura Doryan. Ce livre décrit en effet un cercueil nécessitant trois participants, mais rien ne nous empêche d'étudier un modèle spécialement conçu pour un couple, de sorte que toi et Margot puissiez opérer. Tu es un excellent bricoleur - n'as-tu pas réalisé toi-même tout ton matériel ? - et tu pourras j'en suis sûr fabriquer ce cercueil. Je vais te traduire en français le texte explicatif et nous étudierons ensuite les modifications indispensables.

Ainsi fut fait et Horitz se mit au travail, construisant un cercueil de 1 m 40 de long sur une soixantaine de centimètres de large pour une hauteur d'environ 40 à 45 centimètres. L'on ne s'étonnera point de la faible longueur de ce cercueil si l'on sait qu'il était doté, à ses extrémités, d'un orifice permettant au sujet de laisser sa tête et ses pieds à l'extérieur. Et pour bien montrer au public qu'il n'y avait « aucun trucage », que le sujet allongé dans le cercueil ne s'escamotait pas à l'aide d'un double fond ou d'une trappe, le fameux cercueil était juché sur huit pieds à roulettes.

A l'intérieur étaient disposées trois cangues sur lesquelles allaient reposer le cou, les cuisses et les mollets de Margot Horitz, revêtue pour la circonstance d'un costume de cosaque, avec bonnet d'astrakan et bottes. Lorsqu'elle était allongée dans ce cercueil « magique », sa tête émergeait donc d'un côté et, de l'autre, ses bottes.

Précision importante : ledit cercueil était muni de deux portes latérales que l'on ouvrait pour montrer le corps étendu, emprisonné, immobilisé dans les cangues. De plus, le cercueil se divisait en deux parties et pouvait, grâce à des charnières, se « replier >>, le bas venant se placer - horizontalement - vers le haut, chacune de ses deux parties étant évidemment pourvues de pieds. Lorsque le cercueil était présenté en entier, au début du spectacle, subsistait en son milieu une fente verticale devant permettre à la scie égoïne de jouer librement ... afin de scier en deux l'aimable Margot !

Nous sommes donc au début de la première tournée de l’illusionniste Horitz qui va parcourir l'Aude, I'Hérault, les Pyrénées-Orientales, la Provence et, pour mettre un maximum de chances de son côté, notre magicien va « faire les villes mortes », à savoir les petites villes, les villages où les distractions sont rares (nous sommes en 1930 et la télé n'existe pas, pas plus que les cinémas de village). L'assistance est donc nombreuse, captivée déjà par la première partie du spectacle. Vient enfin le clou de la soirée : la femme sciée en deux ! Dans la salle, quelques mouvements de tête, des sourires entendus... et chez les émotifs, des sourires crispés.

Dans son habit noir, le « professeur » Horitz et sa partenaire présentent le cercueil : pas de double fond, pas de trappe, rien, une boîte juchée sur des pieds de bois. Qui, dans l'aimable assistance, veut bien monter sur la scène pour vérifier l'exactitude de tout cela? Qui acceptera, et aura le courage, de s'étendre dans le cercueil magique ?

L'on plaisante, l'on désigne « courageusement » son voisin, les rires fusent. Enfin, un jeune spectateur se décide (parfois un peu aidé par le défi de ses amis) et le voilà sur scène.

- Bravo, vous êtes courageux ! sourit le maître de l’illusion. Comment vous appelez-vous?

- Euh ... Louis ...

- Très bien, mon cher Louis. Voulez-vous vous coucher dans ce cercueil ?

Le volontaire s'exécute, se calle dans les cangues inférieures; le couvercle est refermé. Les cangues de celui-ci se juxtaposent sur les cangues inférieures, bloquant le cou de Louis (dont la tête émerge à l'extérieur), les cuisses et les mollets, tandis que ses pieds sortent à l'autre bout. Les portes latérales, ouvertes, permettent aux spectateurs de voir le corps du volontaire allongé, prisonnier du triple carcan et bien incapable de faire un mouvement. Horitz brandit la grosse scie égoïne, la glisse dans la fente, le public étant silencieux, impressionné, puis il renonce et, en riant, libère le candidat au supplice qui regagne sa place sous les applaudissements.

Maintenant, fini le simulacre: Margot s'allonge dans le cercueil dont on referme, après le couvercle, les portes latérales. La jeune femme, souriante, tourne sa tête un instant vers les spectateurs, accentue son sourire et fixe ensuite le plafond après que son ’’bourreau’’ d'époux ait pris en main la scie robuste. Glissée dans la fente verticale au milieu du cercueil, la lame commence un lent va et vient, s'enfonçant à chaque mouvement, sciant inexorablement - et sans douleur - le torse de Margot ... qui continue de sourire ! La scie, en fin de course, a accompli son œuvre : la jeune femme est coupée en deux et pour le prouver, Horitz sépare le cercueil en deux, replie les deux parties l'une contre l'autre et le public, qui a suspendu son souffle, peut voir effectivement, côte à côte et la tête et les pieds de Margot !

Le ’’tortionnaire’’ ramène ensuite les deux parties du cercueil l'une à la suite de l'autre, soulève le couvercle... et la femme sciée en deux en sort, souriante, pour saluer avec son époux sous les applaudissements frénétiques du public.

Où est l'étrange, dans tout cela, vous demanderez-vous ? Jusqu'ici, nulle part. Du moins, pour l'instant.

Le venue d'illusionnistes dans un village où ceux-ci vont donner deux ou trois jours de représentations, suscite évidemment un mouvement d'intérêt, de curiosité et durant ces trois jours, le couple Horitz va se faire des amis, sympathiser avec les notabilités du village mais, aussi, avec les villageois venu l'applaudir. Bientôt, les Horitz connaissant plusieurs villageois, sont invités à prendre l'apéritif, promettant de revenir au cours d'une seconde tournée... dans deux ou trois ans.

Et le « Temple de la magie » démonte ses tréteaux pour gagner un autre village où la même scène se renouvelle, où l'on sympathise, où l'on devise amicalement avec l'habitant. Le soir, à cette seconde étape, c'est un nommé Jeannot qui, volontaire, s'allonge dans le cercueil avant le numéro de la « femme sciée en deux ».

Nouvelle étape et c'est un dénommé Maurice qui se prête à l'expérience. Et ce tout au long de l'itinéraire, chaque étape voyant un nouveau volontaire grimper sur la scène et s'allonger dans le cercueil...

 

La suite : Le cercueil maudit de Horitz 2

 

Astral 2000 – Gérard – Février 2020

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