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Rennes-le-Château

L’abbé Saunière, le trésor, la légende, le mystère…

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Semées de petites villes et de minuscules villages, des vagues de collines partent des Pyrénées pour venir mourir à Carcassonne. La terre est dure. Les habitants sont rares. Entre les coteaux de pierrailles trop sèches et les landes sauvages et sablonneuses que couvre le thym, de petits ruisseaux se fraient rapidement un chemin.

La région est pauvre. Elle était pourtant très riche. Autrefois, il y a 2 000 ans, les Celtes Gauls y habitaient. Nahro (Narbonne) était leur capitale. Les Wisigoths, fondateurs du royaume de Septimanie, ont pris leur suite, jusqu'aux invasions musulmanes de l'an 700. Depuis, le pays se méfie: des tours de guet, aujourd'hui ruinées, cernent le paysage. Des châteaux forts achèvent de s'écrouler au sommet des collines. Pendant des centaines d'années, les hommes ont nourri cette terre de leur sang.

Devenue partie intégrante du comté de Toulouse en 1050, la région a suivi son seigneur dans le catharisme. Non loin de Rennes-le-Château, l'antique Rhedea des Romains, on aperçoit la silhouette austère de Montségur, le dernier bastion des combattants cathares, tombé en 1244. Comme tout le reste du pays, Rennes (qui a donné son nom au pays: Rhedesium, le Razès) s'est endormie loin de l'histoire. Après avoir été une capitale de plus de 30 000 habitants, la ville a fini par devenir un pauvre hameau, défendu par un vieux château, au confluent de l'Aude et de la Sals.

En 1885, un homme de trente ans découvre les quelques petites maisons qui bordent l'unique rue du village. François Béranger Saunière vient d'être nommé curé de la minuscule église de Sainte-Madeleine. Il jette un œil distrait sur le bâtiment. D'origine pauvre et premier de sept enfants, l'abbé Saunière n'a pas de goûts de luxe. C'est un homme solide, rustique même, pour qui l'Église constitue une sorte de promotion sociale.

Abbe sauniere

Abbé Saunière

Eglise

L'église Sainte-Madeleine

L'église Sainte-Madeleine se dresse sur l'emplacement de l'ancien palais fortifié des Wisigoths. Elle n'est pas en très bon état. En 1892, l'abbé Saunière, qui a, entre-temps, pris la jeune Marie Denarnaud pour gouvernante, veut restaurer le bâtiment: il vient d'apprendre qu'un de ses prédécesseurs a fait un legs pour assurer l'entretien des lieux.

Priorité à l'autel :

C'est une épaisse dalle de pierre, dont une extrémité est scellée dans le mur de l'église, tandis que l'autre est soutenue par une colonne sculptée par les Wisigoths. En faisant soulever la dalle, l'abbé Saunière a la surprise de découvrir que la colonne est creuse : trois tubes de bois, scellés à la cire, sont dans la cavité.

Ils contiennent quatre manuscrits. Leur copie est parvenue jusqu'à nous. A première vue, ce ne sont rien d'autre que des transcriptions de passages de l'Évangile, rédigées en latin dans une écriture archaïque et quelque peu étrange.

Le premier de ces manuscrits (Jean, XII, 1- 12) décrit la visite du Christ à la maison de Lazare, à Béthanie. Le deuxième raconte l'histoire des disciples qui égrènent les épis de blé, le jour du sabbat : cette version est élaborée à partir de celle de Matthieu {XII, 1- 8), de Marc (II, 23-28) et de Luc (VI, 1-5).

Cependant, si on les examine plus attentivement, ces manuscrits font apparaître un certain nombre de détails inattendus : les monogrammes respectent des compositions différentes. Des lettres ont été ajoutées au texte. Certaines sont remplacées par des points. D'autres ont été déplacées ... L'ensemble compose une énigme dont la clé est accessible aux seuls cryptographes.

Au début de 1893, l'abbé Saunière soumet les manuscrits à Monseigneur Billard, évêque de Carcassonne. Celui-ci l'autorise à partir pour Paris et lui accorde une bourse pour les faire déchiffrer. Dans la capitale, François Béranger Saunière montre les documents à l'abbé Biel, le directeur spirituel de Saint-Sulpice, qui l'introduit auprès de son neveu, l'éditeur Anet, spécialiste du livre religieux. L'abbé Biel présente également Saunière à son petit-neveu, Émile Hoffet, qui allait devenir une autorité en matière de vieux manuscrits et d'ésotérisme.

En trois semaines, le curé de Rennes-le-Château passe le plus clair de son temps au Louvre. Il y achète trois reproductions de tableaux, apparemment sans lien : Les Bergers d'Arcadie, de Nicolas Poussin, le Portrait de saint Antoine, de David Teniers, et le Portrait du pape Célestin V, d'un artiste inconnu.

Les bergers d arcadie 2 nicolas poussin

Les Bergers d'Arcadie, Nicolas Poussin

 

St antoine

Portrait de saint Antoine, David Teniers

 

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Portrait du pape Célestin V. Artiste inconnu

 

C’est aussi à Paris que l'abbé Saunière devient l'ami d'Emma Calvé, qui est alors la coqueluche de la capitale : pour un curé de campagne inconnu, ce n'est pas un mince succès. Cette belle chanteuse est alors au faîte de sa carrière : célèbre dans Carmen et dans Faust, l'opéra de Gounod où elle donne toute la mesure de sa voix de soprano, elle revient tout juste de Londres, où les Anglais lui ont fait un triomphe. La reine Victoria l'a même invitée à Windsor. Elle restera très longtemps l'amie de l'abbé Saunière et lui rendra régulièrement visite, jusqu'à son mariage, en 1914.

De retour à Rennes, le jeune curé reprend son travail de restauration. Avec quelques jeunes gens du village, il entreprend de soulever une autre dalle, face à l'autel. La face cachée se révèle sculptée, dans un style archaïque daté du VI ème. ou du VII ème. siècle.

On peut y voir deux scènes, qui se déroulent toutes deux dans un lieu voûté ou dans une crypte. A gauche, un chevalier sur sa monture sonne du cor de chasse, tandis que son cheval abaisse le col pour s'abreuver dans une fontaine. A droite, un autre chevalier brandit un bâton de pèlerin et porte un enfant sur son arçon. Usée et cassée, la pierre laisse difficilement deviner les sujets, mais la facture est incontestablement ancienne.  

Une fois la pierre levée, l'abbé Saunière demande aux jeunes gens de creuser sur plusieurs mètres. Au bout d'un moment, la pioche fait sonner un objet dur. C'est alors qu'il s'enferme seul dans son église.

D'après la rumeur publique, deux squelettes auraient été exhumés, ainsi qu'un pot de médailles sans valeur. Ce qui est tout à fait plausible : au cours de fouilles récentes autour de l'église, on a retrouvé un crâne fendu rituellement.

Après cette découverte, l'abbé Saunière arrête de travailler dans son église. On le voit courir la campagne, un sac sur le dos, en compagnie de sa gouvernante. Il revient tous les soirs, le sac plein de cailloux choisis avec soin. Quand on l'interroge sur son étrange comportement, il répond qu'il a décidé d'orner d'une grotte en pierres le minuscule jardin qui se trouve en face de l'église ...

La grotte est toujours en place de nos jours. Mais elle a été pillée. Par des amateurs de souvenirs ou par ceux qui cherchaient peut-être le secret de François Béranger Saunière ?

Autre passe-temps étrange de l'abbé: au fond du cimetière, près de l'église, il y avait deux pierres tombales, dont celle de Marie de Négri d'Ables, morte en 1781, épouse de Francis d'Hautpoul, seigneur de Rennes-le-Château. Une nuit, il les déplace à l'autre bout du cimetière et efface soigneusement les inscriptions. En vain : certains archéologues les avaient déjà relevées et nous savons aujourd'hui que l'une de ces pierres portait la même composition de monogrammes que l'un des manuscrits.

Au cours des deux années suivantes, le curé de Rennes-le-Château ne cesse de voyager. Il ouvre un compte en banque à Perpignan. Un autre à Toulouse. Un autre encore à Paris et un quatrième à Budapest. Des mandats arrivent de toute l'Europe, libellés au nom de Marie Denarnaud, apparemment expédiés par différentes communautés religieuses.

A partir de 1896, l'abbé Saunière entame un vaste programme de remise à neuf de l'église. Presque tout a subsisté de nos jours, et l'effet en est saisissant : adaptant un carrelage de 64 carreaux noirs et blancs alternés, François Béranger Saunière les ordonne diagonalement à la jonction de la nef et du transept. A côté du portail d'entrée, il dresse un monument étrange, aux couleurs criardes : un bénitier posé sur la tête d’Asmodée, de dimensions humaines et le regard mauvais. Au-dessus : quatre anges ailés, qui portent la devise « Par ce signe, tu vaincras », une citation qui passe pour avoir entraîné la conversion de l'empereur Constantin.

 

Eglisecoeur

Coeur

Renneautel

Autel

Les murs de l'église sont recouverts de peintures en relief de style populaire : quelques stations d'un chemin de croix et des représentations du Christ. Le curé entreprend lui-même de peindre le portrait de Marie-Madeleine qui orne le devant de l'autel. Encore plus étrange : les paroles de Jacob, à Bethléem, « Ceci est un endroit terrible ».

Une fois les travaux terminés dans l'église, l'abbé Saunière ne renonce pas à sa soif de reconstruction. Il achète un terrain situé entre l'église et la partie ouest de la colline, et il y fait construire une promenade semi-circulaire, terminée au sud par une tour de deux étages, la tour Madeleine.

A l'intérieur de la promenade, il crée un jardin et, à l'est, il fait construire une pension, baptisée Béthanie. Il y entasse des meubles rares et y reçoit royalement ses invités, toujours traités avec vins fins et bonne chère. On y voit, aux côtés d'Emma Calvé, des académiciens, des ministres, des écrivains, presque tous les notables de la région, et même un homme que l'on a dit être « incognito » l'archiduc Jean de Habsbourg.

En 1917, quand l'abbé Saunière disparaît, on calcule rapidement le montant de ses dépenses : plus de 1 million de francs-or (Près de 806.000.000,00 Euros). Jusqu'à sa mort, Marie Denamaud, sa gouvernante, n'a manqué de rien. Elle a elle-même estimé sa propre fortune à 100 000 francs-or.

Mais comment ce petit abbé, pauvre curé d'une paroisse encore plus pauvre, a-t-il pu devenir un homme aussi riche ? Quel trésor a-t-il pu retrouver pour pouvoir se permettre de telles dépenses ?

L'or ne manque pas dans la région du Razès dont Rennes-le-Château est l'ancienne capitale. Quatre civilisations se sont succédé sur ces coteaux de pierrailles sèches. Pour les Celtes, l'or était un métal aux vertus magiques. Contrairement au fer, au plomb ou au cuivre, dont les mines ont également abondé dans la région, l'or sort éclatant et intact de la terre. Difficile à travailler, il est inaltérable: c'était donc un symbole puissant du pouvoir royal et de la fonction souveraine.

Pour les Romains, qui ont suivi les Celtes, l'or était le moyen de faire fonctionner un empire méditerranéen. Ce sont eux qui ont ouvert des mines dans le Razès. Elles ne survivront pas aux invasions barbares. En attendant, c'est vers Rome que le minerai précieux arraché à la terre celte, de gré ou de force, est acheminé.

Les Wisigoths avaient un peu la même considération pour l'or que Ies Celtes. Leurs souverains s'en couvraient pour manifester leur puissance. Une fois convertis au christianisme ils en recouvriront les objets du nouveau culte. Avec eux, l'or entassé à Rome change rapidement de mains et s'éparpille au gré des invasions et de leur reflux.

Enfin ce sont les cathares, héritiers de toute la brillante civilisation languedocienne, qui ont recueilli cet or, nerf de la guerre contre les barons venus du Nord mettre un terme à l'hérésie. Après la brutale répression qui fauche les plus hardis Occitans et tarit leur culture, les Templiers arrivent dans le pays. Eux aussi manipulent beaucoup d'or.

Au XIIème. siècle, Bertrand de Blanchefort, un de leurs grands maîtres, fait venir d’Allemagne des travailleurs pour exploiter les mines d'or des alentours de Rennes. Plus tard, on dira, non sans raison, qu'il s'agissait d'orfèvres chargés de travailler des lingots d'or et d'argent, et non de mineurs ...

Quoi d'étonnant, alors, à ce que des histoires de trésors enterrés circulent dans toute la région. En 1645, un berger trébuche dans un ravin qui le mène à une caverne, où il trouve des squelettes et de l'or. Il en emplit son bonnet et court annoncer la bonne nouvelle aux habitants de Rennes-le-Château. Ceux-ci ne croient pas le berger et le lapident!

Au début du siècle, on a retrouvé, près de Rennes, une dalle en or : près de 20 kg de métal précieux, constitués de monnaies fondues, pour la plupart arabes. Un peu plus tard, on découvre une autre dalle, de 50 kg. En 1928, les restes d'une grande statue en or sont mis à jour au bord d'un cours d'eau, en aval de Rennes.

L'histoire de ces trésors, pas toujours mythiques, commence avec les Wisigoths. Ce que les Celtes avaient produit, les Romains l'ont emporté à Rome. C'est là que les Wisigoths vont le reprendre. La capitale impériale regorge de butin. Parmi les plus belles pièces, le trésor ramené du temple de Jérusalem par Titus, après l'échec de la révolte juive: des trompettes d'argent, l'arche d'alliance, la table d'or du pain et, surtout, le menorah, célèbre chandelier à sept branches fait de 110 livres d'or fin.

En 410 de notre ère, Alaric investit Rome avec ses Wisigoths. Il rafle l'or des Césars. L'histoire mystérieuse du menorah commence. Il est probablement emporté dans le sud de la Gaule, ou en Espagne, dans une des capitales du nouveau royaume wisigoth. S'il fait partie du trésor des rois installés à Carcassonne, il n'est nommé nulle part. Quand les Francs viennent menacer la capitale wisigothe, le trésor est transporté à Tolède. Il tombera, un peu plus tard, entre les mains des Maures et disparaîtra de l'histoire jusqu'au XIX ème.  siècle, quand plusieurs statues d'or et des pierreries seront retrouvées dans les environs de Tolède.

Une autre hypothèse existe. Il se peut qu'Alaric n'ait pas emporté le menorah, qui aurait été secrètement rendu aux Juifs et caché à Jérusalem pendant des siècles. En 1099, les croisés s'emparent de la Ville sainte des Juifs et des Arabes. En 1120, neuf chevaliers fondent un ordre, celui des Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Jérusalem. Ce sont les futurs Templiers. Ils campent dans l'ancienne mosquée al-Aqsa, construite par les Arabes sur l'emplacement du temple de Salomon.

 

Templier

Templier

Très vite, leurs pouvoirs et leur richesse irritent les puissants de ce monde. En 1307, le roi de France accuse les Templiers d'hérésie et confisque leurs biens. Les plus grands dignitaires de l'Ordre sont brûlés sur la place publique. Toutefois, une partie des trésors des Templiers parvient à échapper à Philippe IV le Bel et se perd dans la nature. Comme, plusieurs dizaines d'années auparavant, le trésor des cathares.

La piste revient donc, une fois de plus, dans la région de Rennes-le-Château, où Bertrand de Blanchefort, premier grand maître des Templiers, avait une place forte : le menorah, qu'il ait été ramené ici par les Wisigoths ou par les Templiers, qui l'auraient retrouvé à Jérusalem, serait un indice.

Avec l'abbé Saunière, qui dépense sans compter un argent qui arrive de nulle part, le mystère rebondit. D'autant que le curé prodigue multiplie les initiatives étonnantes. On l'a vu tenter d'effacer les inscriptions de deux pierres tombales, sans savoir que les textes avaient déjà été relevés par des archéologues locaux.

Outre le monogramme identique à celui des manuscrits retrouvés dans la colonne wisigothe, une des dalles de pierre porte la célèbre devise latine « Et in Arcadia ego », adoptée par de nombreux artistes pour les multiples interprétations qu'elle autorise. Son sens le plus évident: « Je suis aussi en Arcadie ». C'est une allusion aux fameux bergers d'Arcadie et elle sous-entend que, même dans le paradis des bergers grecs, la Mort reste présente.

Au cours de son premier voyage à Paris, l'abbé Saunière avait très longuement visité le Louvre et acheté trois reproductions de tableaux. Dont Les Bergers d'Arcadie, de Nicolas Poussin, où un des personnages de la scène montre du doigt les mots gravés sur la surface du tombeau : Et in Arcadia ego ...

A une dizaine de kilomètres de Rennes-le-Château, sur un promontoire rocheux qui borde la route, on trouve le même type de tombeau. Avec un œil exercé, on pourrait même reconnaître, sur le tableau de Poussin, l'horizon qui se profile autour de ce tombeau, lequel se trouve sur le territoire de la paroisse d'Arques.

Avec cette énigmatique inscription, quatre autres mots latins se trouvent sur la pierre tombale : Reddis... Regis... Cellis ... Arcis. On peut les lire latéralement : Reddis Regis et Cellis Arcis, ou verticalement : Reddis Celli et Regis Arcis. Le sens général de ce latin grossier est confus. Celui de chacun des mots est plus précis :

- Reddis, soit de Rhedea, le nom romain de Rennes ; soit « qui reste » ;

- Regis, « du roi » ;

- Cellis, soit « en un lieu caché », soit « dans un reliquaire » ;

- Arcis, « en lieu sûr, enfermé ».

Une araignée complète l'ensemble. En occitan local, l'araignée se prononce arenn C'est peut-être une manière de dire « A Rennes » ... Curieusement, sur un tableau du Christ descendu de sa Croix, offert à l'église de Rennes par un descendant de Blanche fort, la couronne d'épines a la forme caractéristique d'une araignée. Pour rester dans l'étrange, il faut signaler que ce Blanchefort est un parent de la morte que recouvrait 1 pierre tombale grattée par l'abbé Saunière et que, à la mort de ce Blanchefort, s'est en gagée une querelle testamentaire interminable, au cours de laquelle de précieux documents se sont « égarés » ... si bien qu'il n restait guère plus que les pierres tombale de Marie d'Hautpoul comme témoins du passé et des secrets de la famille Blanchefort.

Cette querelle portait sur certaines terres de la région, notamment celles de Fleury. Celles que, précisément, l'abbé Saunière a représentées dans un grand bas-relief de plâtre et de bois mis en place au-dessus du confessionnal au cours de la grande rénovation de l'église.

Sous ce bas-relief, un texte intrigue : « Venez à moi, vous qui êtes accablés, je vous donnerai le repos ». Dans les mots « vous qui êtes accablés », certains ont cru pouvoir découvrir « été », « sac à câble », et « blé » (« le trésor », en argot) ...

D'autres formules énigmatiques ont été découvertes dans l'inscription qui figure sous le portrait de Madeleine, fait par Béranger Saunière lui-même. Ce bas-relief naïf nous montre Marie-Madeleine à genoux, les doigts croisés, le regard fixé sur une croix grossière. Près d'elle, un crâne humain et un livre ouvert.

Au-dessous, l'abbé Saunière a repris un verset extrait d'un des manuscrits de la colonne sculptée par les Wisigoths :

JÉSU. MEDÉLA. VULNÉRUM + SPES. UNA. POENÎTENTIUM. PER.

MAGDALENAE. LACRYMAS + PECCATA. NOSTRA. DILUAS.

Traduit rapidement, ce verset signifie : « Jésus qui m'enlève ma peine, espoir du pécheur, par la grâce des larmes de Madeleine, enlève-nous nos péchés », En attirant l'attention sur les accents irréguliers portés sur certaines lettres, et qui ne pouvaient pas exister en latin, Gérard de Sède a noté quatre syllabes, chargées selon lui d'une double signification:

- JE: pour « jais ». Une mine de jais, abandonnée, existe dans les environs de Rennes.

- DE: pour « dé ». On trouve une pierre en forme de dé près de Rennes.

- NE : pour « nez ». A Peyrolles, non loin de Rennes, un rocher caractéristique a cette forme.

- NI : pour « nid » Le pic Bugarah, le point le plus élevé de la région, est connu sous le nom de « nid d'aigle ».

Mais tous ces sites ont-ils un lien avec l'étrange fortune de l'abbé Saunière? On peut en douter, tout en trouvant étrange une telle coïncidence. Beaucoup plus instructif est le rapport qui existe entre Madeleine, un crâne et une grotte.

Rennes-le-Château - Enquête

Autour de Rennes-le-Château, les grottes et les cavernes sont très nombreuses. Il est possible que, dans sa jeunesse, l'abbé Saunière ait entendu parler d'un ermite qui vivait près de sa future cure, dans une grotte dédiée à saint Antoine. On a déjà vu que, au cours de son premier séjour à Paris, Béranger Saunière avait passé le plus clair de ses journées au musée du Louvre et qu'il avait rapporté de son voyage trois gravures, dont une reproduction du Saint Antoine de Teniers ...

Sur ce tableau, on peut voir le saint devant un autel grossier fait d'un bloc de pierre, au sommet duquel se trouve un crâne humain. La grotte du tableau présente une ressemblance saisissante avec celle devant laquelle est agenouillée la Marie-Madeleine du bas-relief de l'église de Rennes-le-Château.

Entre saint Antoine et Marie-Madeleine, il existe un lien significatif. Saint Antoine a été le premier à organiser des communautés monastiques. Certaines de ses reliques ont été rapportées en France par les membres de l'ordre de saint Antoine, qui n'auront jamais la puissance des Templiers mais qui introduiront en France le culte de Marie l'Égyptienne.

Cette sainte a vécu à la fin du quatrième siècle, à Alexandrie. Elle était prostituée. Inspirée par l'exemple de saint Antoine, elle passa la fin de sa vie dans le désert. La légende des Trois Marie la confond avec Marie-Madeleine, mais c'est elle qui a souvent été adorée comme « Vierge noire », surtout dans le sud de la France.

Une fois ce lien établi entre saint Antoine, Marie-Madeleine et les grottes, la progression de l'enquête sur les origines de l'or maudit de Rennes-le-Château n'est pas pour autant facilitée.

On sait que l'ordre de saint Antoine a conservé longtemps des relations privilégiées avec l'ordre des chevaliers Teutoniques, ainsi qu'avec celui de saint Lazare, qui est issu de celui des hospitaliers. La tradition veut que les antonins aient même servi à maintenir certaines coutumes des Templiers.

Là, l'histoire joue à nouer de curieuses coïncidences. En 1792, le dernier prétendant au titre de grand-maître des Templiers, par le rite franc-maçonnique, est le duc de Cossé-Brissac. Il meurt, lynché par la foule révolutionnaire. Dans les années soixante, Pierre de Cossé, duc de Brissac, est devenu grand-maître de l'ordre de saint Lazare. Quatre siècles auparavant, le vice-général de l'ordre était Francis de Fleury, qui appartenait à une famille dont les terres, nous l'avons vu, sont représentées sur un bas-relief de l'église de Rennes-le-Château ...

Le mystère s'épaissit quand on étudie les monogrammes découverts par l'abbé Saunière dans le pilier wisigoth de l'église et ceux gravés sur la pierre tombale de Marie de Négri d'Ables, qu'il avait si bien voulu effacer. L'un de ces monogrammes peut se lire comme la double initiale «  P-S » ou « B-S », surmontée par un dessin qui rappelle la tête du démon soutenant le bénitier de l'église.

L'autre peut se lire « N ... NOBIS ... ». Selon certains, il faudrait lire cette inscription comme l'abréviation de « Non Nobis Domine ». Selon d'autres, inversée, il faudrait la lire comme « A. .. SION ... ».

Il y a plusieurs années, un ésotériste anglais, Henry Lincoln, a prouvé l'existence d'un nouvel ordre maçonnique inconnu, le Prieuré de Sion. On sait que les francs-maçons revendiquent une filiation directe, mais secrète, avec les bâtisseurs du temple de Salomon et les chevaliers du Temple... On a souvent parlé de franc-maçonnerie écossaise : en Écosse, l'ordre du Temple n'a jamais été inquiété, ni banni.

Pour y voir un peu plus clair, revenons en arrière. En 1893, quand Béranger Saunière arrive à Paris, il se trouve plongé au cœur d'une querelle entre deux chapelles ésotériques. L'ordre kabbalistique de la Rose-Croix, fondé par Stanislas de Guaita, s'oppose à l'ordre de la Rose-Croix catholique, du temple et du Graal, fondé par le célèbre Joséphin Péladan, dit « sâr » Péladan.

Les rose-croix ne sont pas des inconnus en France. On dit que Descartes l'a été. On sait également que le dix-huitième degré du rituel maçonnique écossais est le chevalier du pélican, de l'aigle et du prince souverain rose-croix du royaume terrestre. L'ordre de la Rose-Croix a lui-même été fondé en 1865, en Angleterre, avec l'aide de certains occultistes français, dont Eliphas Lévi.

Tout ceci est un peu compliqué, mais nécessaire pour tenter d'approcher avec rigueur le secret du trésor de Rennes-le-Château. Si les Templiers ou les antonins avaient été dépositaires d'un secret quelconque, ils l'auraient transmis aux ordres qui ont hérité de leurs biens. S'ils ne l'ont pas fait, ils ont au moins tenté de le transmettre, de génération en génération, aux descendants des familles qui auraient survécu à la destruction de l'ordre du Temple.

Les rose-croix affirment détenir un secret ancien. Ce secret, les francs-maçons le possèdent peut-être également. On peut très bien imaginer que, dans les papiers amenés à Paris par l'abbé Saunière, les occultistes ont trouvé les clés d'une énigme ancienne. Si les papiers eux-mêmes ne paraissaient pas très anciens, il se peut qu'ils n'aient été que des copies de documents beaucoup plus vieux. Tout comme les pierres tombales, ces papiers fourmillent d'erreurs, qui ne peuvent être que délibérées ...

Gérard de Sède, un des chercheurs qui se sont penchés avec le plus de soin sur le secret de Rennes-le-Château, a soumis l'un de ces manuscrits à une analyse cryptographique. Après un travail de décodage compliqué, il a trouvé le texte suivant, qui est un peu décevant : « Bergère, aucune tentation. Pour Poussin, Teniers, détient la clé. Pax DCLXXXI. Par la Croix et ce cheval de Dieu, j'atteins ce démon gardien à midi. Pommes bleues ».

Devant un tel rébus, l'esprit humain a tendance à renoncer. Ce serait dommage. Dans l'église de Rennes-le-Château, il y a un carrelage à motifs bleus et blancs. De loin, il paraît figurer des ... pommes bleues. Pax DCLXXXI : « paix 681 ». Pour les francs-maçons français du XVIIIème siècle qui se réclamaient des Templiers, l'année calendaire commençait en 1118. Ce qui situe l'année 681 en 1799 de notre ère.

Sur la tombe de Marie de Négri d'Ables, une date indique MDCOLXXXI. Admettons M pour « Marie » et O comme une erreur délibérée, nous retombons sur l'inscription DCLXXXI ...

En s'intéressant au démon qui monte la garde, près de la porte de l'église de Rennes- le-Château, d'autres coïncidences s'offrent aux esprits curieux. Cet Asmodée est surmonté de quatre anges, dont les pieds supportent la devise « Par ce signe, tu vaincras ». Traduite plus finement, cette devise affirme : « Par ce signe, tu te rendras maître de lui ».

 

Asmodee

Asmodée

 

Quel signe font les anges ? A première vue, ils se signent de la main droite. En les observant plus attentivement, on s'aperçoit que celui qui est le plus élevé a la main gauche sur sa poitrine, tandis que la droite touche sa tête: c'est le « signe d'Asmodée », celui qui ceint la tête de bouc des Baphomets que l'on trouve dans les rituels templiers, l'étoile à cinq pointes ...

 

Ange benitier

Les anges

Regardons maintenant le paysage qui s'offre à nous du sommet de la tour Magdala, construite à grands frais par l'abbé Saunière. Au nord-ouest, les ruines romantiques du château de Blanchefort. Le 22 juillet, jour de la fête de Marie-Madeleine, le soleil se lève directement derrière elles. Au sud-est, les ruines d'une autre place forte, le château des Templiers. Entre le château de Blanchefort et lui, un angle de 36°. L'angle interne de l'étoile à cinq branches !

Avec une bonne carte d'état-major, on peut reconstituer les cinq pointes de cette étoile : le mont qui borde la source de Marie-Madeleine et qui porte deux menhirs à son sommet, la tour Magdala, les deux châteaux en ruines et un point non caractéristique de la carte. Il suffit de s'y promener pour apercevoir un remarquable rocher blanc.

Carte

Au centre de ce pentagramme, le petit mont de Coume-Sourde. En 1928, on y a déterré une tablette de pierre gravée qui portai clairement les éléments essentiels du pentagramme, l'abréviation P.S. Praecum (qui se retrouve sur une pierre tombale) et la phrase latine qui, traduite, se lit : « Au milieu de la ligne, là où M coupe la petite ligne ».

Pourquoi ce M ? Pour Marie-Madeleine ou pour Marie de Négri d'Ables, dont la pierre tombale porte tant de mystérieuses inscriptions? Justement, en reliant les erreurs le plus grossières de ces inscriptions, on s'aperçoit qu'elles se coupent à ... 36°. De plus, l'extrémité d'une de ces lignes est marquée par le M isolé de Marie.

Quittons la carte d'état-major pour le terrain. La petite ligne dont il est question sur la tablette de Coume-Sourde est peut-être celle qui joint deux des pointes de l'étoile. De la tour Magdala au château de Blanchefort, l'axe de la deuxième ligne traverse des bois qui tombent à pic sur la vallée de la Sals. Entre ces deux points, un rocher escarpé, le Siala. Entre Blanchefort et le point suivant se trouve une source thermale. La troisième ligne voit son centre occupé par un bois sans importance. Le centre de la quatrième est constitué par d'autres ruines, celles d'une chapelle templière. La cinquième longe la route de Granès.

Tous ces axes de progression traversent des terrains difficiles d'accès, à travers des lits de cours d'eau et des maquis serrés. Horizon perpétuel de ces lignes : la tour Magdala. Mais, sur la cinquième, qui mène à Granès, la fissure d'un aven se présente soudain. Cet aven ouvre sur un fabuleux réseau de cavernes et de grottes qui lancent leurs galeries sur plusieurs kilomètres.

Une de ces grottes ressemble irrésistiblement à celle du bas-relief de Marie-Madeleine, dans l'église rénovée par l'abbé Saunière. Elle s'ouvre sur un gouffre comparable à celui dont parlait le berger aux poches pleines d'or avant d'être lapidé par les habitants de Rennes-le-Château. Un peu plus loin, des rochers obstruent le passage. Ils ont manifestement été placés là par une main humaine ...

L'enquête en est là. Il est possible que, dans cet ensemble de grottes, Béranger Saunière ait retrouvé un fabuleux trésor. Curieusement, seuls deux des quatre manuscrits retrouvés à Rennes ont été publiés. Les deux autres contenaient sans doute des précisions sur la localisation du trésor, celles que se transmettaient les Blanchefort de génération en génération.

En restaurant l'autel de son église, l'abbé Saunière a retrouvé une des pièces manquantes de ce puzzle. Quelle était la pièce indispensable à la découverte du trésor? Un autre document ? Le tombeau d’Arques, peint par Poussin? Et de quel trésor s'agissait-il, celui des Templiers, celui des cathares ou celui des Wisigoths? L'abbé Saunière est mort en emportant son secret. On ne sait même pas s'il a retrouvé le trésor. Il n'est pas impossible que sa soudaine et immense fortune n'ait eu pour origine que la reconnaissance internationale d'initiés intéressés par son document...

Aujourd'hui, le trésor du Razès dort peut-être encore dans quelque caverne ignorée des hommes. Deux pistes ont été négligées au cours de cette rapide enquête : celle du Prieuré de Sion et celle de la famille des Habsbourg d'Autriche, dont certains membres ont séjourné à la tour Magdala…

REF: Inexpliqué - 1981

ASTRAL 2000 - Gérard - Août 2016

 

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