Le Triangle des Bermudes 3
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Et qu’en est-il des bombardiers Avenger ?
Autre exemple fameux, celui des cinq bombardiers Avenger de la Marine américaine, l’escadrille19, disparus au-dessus du Triangle des Bermudes, en 1945. C'est l'épisode le plus connu de toutes les disparitions mystérieuses survenues dans cette zone fatale.
Le cinéma s'est chargé de lui donner une suite : dans ‘’Rencontres du troisième type’’, de Steven Spielberg (1977), les pilotes réapparaissent de nos jours dans le désert du Mexique, après une absence de plus de trente ans. Comment démêler la réalité de la légende?
Rapportons en premier lieu l'histoire telle qu'on la raconte :
Les cinq bombardiers Grumman TBM « Avenger » auraient quitté la base de l'aéronavale de Fort Lauderdale en Floride, le 5 décembre 1945, à 14 heures. Selon Charles Berlitz, c'était « un vol de routine ... pilotes et membres de l'équipage n'en étaient pas à leur premier vol d'essai». Il ajoute que, selon d'autres pilotes sortis le matin même, les conditions de vol étaient excellentes.
A 15 h 45, le chef de l'escadrille, le lieutenant Charles C. Taylor, aurait envoyé le message suivant :
-Tour de contrôle ; à vous. Répondez vite. Nous sommes perdus. Aucune terre en vue ... Je répète ... aucune terre en vue.
- Donnez-nous votre position, demanda la tour de contrôle.
- Difficile de vous l'indiquer. Nous ne savons pas au juste où nous sommes. Je crois que nous sommes perdus.
- Dirigez-vous vers l'ouest.
- Impossible de savoir où est l'ouest. Tout est confus... étrange. Nous ne savons plus quelle est notre position. Même l'océan a l'air bizarre.
Le lieutenant Robert Cox, instructeur en chef de Fort Lauderdale, entendit ces messages alors qu'il s'apprêtait à atterrir. Il lui sembla savoir où se trouvait l'escadrille 19. Il tenta d'entrer en contact : « Escadrille 19, quelle est votre altitude? Je me dirige vers le sud et vais essayer de vous rejoindre ».
Toute aide aurait certainement été la bienvenue. Pourtant, Taylor resta étrangement silencieux. Au bout de quelques minutes, le lieutenant Cox entendit les paroles suivantes : « Ne cherchez pas à me rejoindre! Ils ressemblent à ... »
Lieutenant Chrles C. Taylor
Lieutenant Robert Cox
Puis, plus rien. Il était alors 16 h 30. A peu près au même moment, un hydravion Martin «Mariner» chargé de retrouver l'escadrille 19 approchait de l'endroit d'où le dernier message avait semble-t-il été envoyé et... disparut à son tour! En l'espace de quelques heures, le Triangle fatal avait englouti pas moins de six avions militaires.
Malgré des recherches menées à grande échelle, on ne retrouva jamais trace ni des avions ni de leurs équipages. A la fin de cette longue enquête infructueuse, un officier de la Marine déclara que « l'on arrivait presque à se demander si l'escadrille 19 et l'hydravion ne s'étaient pas envolés vers Mars! ».
Cas étrange en vérité. Pourquoi, par exemple, le lieutenant Taylor refusa-t-il l'aide de Cox? Et à quoi faisait-il allusion lorsqu'il s'écria : « Ils ressemblent à ... »
Joan Powers, la veuve d'un pilote de l'escadrille, aurait fait le commentaire suivant : « A mon avis, ils ont aperçu quelque chose d'étrange au-dessus du Triangle... quelque chose de tellement effrayant que le lieutenant Taylor n'a pas voulu que le lieutenant Cox risque sa vie. Quelque chose que la Marine, pour des raisons de sécurité nationale, préfère tenir secret ».
Ce cas de disparition semble donc un des plus étranges de toute l'histoire de l'aviation ... si toutefois tout cela est vrai. Ce qui est loin d'être le cas ! Une fois encore, les faits démentent la légende du mystère du Triangle des Bermudes.
Si l'on en croit le récit que nous venons de résumer, les conditions météorologiques étaient excellentes et les pilotes se sentaient en toute sécurité sur un vol qu'ils n'effectuaient pas pour la première fois. En réalité, si le ciel était effectivement clair lorsqu'ils décollèrent de Fort Lauderdale, ces conditions idéales ne durèrent pas. Une tempête se déclencha soudain et les conditions de vol devinrent vite difficiles.
Or, contrairement à ce que l'on raconte, seul le lieutenant Taylor, avec 2509 heures de vol à son actif, était un pilote expérimenté. Il faut toutefois préciser qu'il venait d'être muté à Fort Lauderdale, et qu'il effectuait donc son premier vol dans une région qu'il ne connaissait pas. L'expérience des autres pilotes n'était que de 300 heures, dont 60 seulement sur ce type de bombardier.
C'était un vol de routine en ce sens qu'il faisait partie des exercices de vol habituels de Fort Lauderdale. Mais, en soi, c'était un parcours difficile.
Ce n'est pas la tour de contrôle de Fort Lauderdale qui reçut le premier message, mais le lieutenant Cox qui intercepta un échange radio où quelqu'un demandait au capitaine Edward Powers ce qu'indiquaient ses instruments goniométriques. « Je ne sais pas où nous sommes, répondit Powers. Nous avons dû nous perdre au dernier changement de direction ». Cox intervint alors : « Vous avez des ennuis? Qu'est-ce qui se passe ?» Réponse de Taylor : « Mes deux boussoles sont en panne. J'essaie de retrouver la direction de Fort Lauderdale. Je pense que nous survolons l'archipel des Keys, mais je ne sais pas à quelle altitude ... »
Cette première communication est très importante. Elle nous éclaire sur la suite des événements. Le lieutenant Taylor, ainsi que le capitaine Powers, le pilote le plus expérimenté après lui, pensaient s'être trompés de direction. Les bombardiers se trouvaient au-dessus de Great Sale Cay, dans les Bahamas. Mais le lieutenant Taylor crut reconnaître les Keys de Floride, région qu'il avait survolée de nombreuses fois lorsqu'il était basé à Miami. Il ne savait donc plus très bien s'il se trouvait à l'est ou à l'ouest de la Floride, au-dessus de l'océan Atlantique ou au-dessus du golfe du Mexique.
A cause de cette confusion, le lieutenant Cox s'orienta sur les Keys pour donner à Taylor les indications qui lui permettraient de retrouver Fort Lauderdale. Il aurait ajouté : « Quelle est votre altitude? Je me dirige vers le sud et vais essayer de vous rejoindre ».
En réalité, Taylor répondit : « Je sais où je me trouve maintenant. Je suis à 700 m d'altitude. Inutile de venir me rejoindre ».
Tout semblait donc normal. Malheureusement, Taylor se trompait sur sa position. Et il finit par se perdre complètement. Ses instruments goniométriques étaient en panne (du moins, c'est ce qu'il croyait), il n'avait pas de montre et des émissions cubaines parasitaient sa radio. Il préféra néanmoins rester sur cette fréquence par peur de perdre contact avec le reste de l'escadrille, plutôt que d'envoyer un message de détresse sur une fréquence libre.
Les conditions météorologiques empirèrent avec la tombée de la nuit. A 18 h 30, l'obscurité était totale en cette nuit d'hiver et la tempête faisait rage. Le lieutenant Taylor fit tout son possible pour tenter de sauver ses hommes. « Formation rapprochée, ordonna-t-il. Si la terre n'apparaît pas bientôt, il va falloir tenter un amerrissage forcé ... Lorsque le premier d'entre nous n'aura plus que 45 litres de carburant, nous descendrons tous ensemble ».
A 19 h 04, un des pilotes essaya de contacter le lieutenant Taylor. Ce fut le dernier message. Il est vraisemblable que, dans l'heure qui suivit, les cinq bombardiers, en tentant d'amerrir, furent engloutis par une mer déchaînée. Au cours de l'enquête, des experts affirmèrent que pendant une tempête un TBM Avenger ne pourrait tenir en équilibre sur les vagues plus d'une minute.
De la base de Lauderdale, des avions de reconnaissance partirent immédiatement à la recherche des bombardiers en difficulté. Tentative qui ne pouvait manquer d'échouer la nuit, en pleine tempête.
Voici les faits. On remarque donc que le « mystère » de la disparition de l'escadrille 19 repose sur une série de falsifications : messages qui ne furent jamais envoyés, décalage dans le temps, etc.
La disparition « mystérieuse » de l'escadrille 19 s'explique donc assez facilement. Il nous reste cependant à éclaircir l'origine des messages que le lieutenant Taylor aurait échangés avec la tour de contrôle de Lauderdale. C'est Allan W. Eckert qui les mentionna par écrit pour la première fois dans un article paru en 1962. Il ne donne pas ses sources. Charles Berlitz affirme, quant à lui, qu'il s'appuie sur les notes qu’aurait prises le commandant R.H. Worshing, à l'époque du drame, lieutenant à Fort Lauderdale.
Or, lors d'une émission télévisée de la B.B.C. sur le Triangle des Bermudes, le commandant Worshing nia catégoriquement avoir jamais pris de notes, précisant que lorsqu'il était arrivé ce jour-là à la tour il y avait déjà longtemps que les bombardiers avaient cessé d'envoyer des messages.
L'affaire de l'escadrille 19 est caractéristique de toutes les disparitions prétendument « mystérieuses » du Triangle des Bermudes. La vérité a été déformée et il y a de grossières erreurs. Depuis des décennies, les auteurs se copient mutuellement, sans prendre la peine de vérifier leurs sources. C'est ainsi que se crée le « mystère » ...
Conclusions
Il faut se rendre à l'évidence : le « mystère » du Triangle des Bermudes n'existe pas. Il a été créé de toutes pièces. Certains prétendent qu'il n'y a pas de fumée sans feu. Et lorsqu'un journaliste émet quelques doutes sur la réalité des disparitions mystérieuses, on l'accuse immanquablement d'être victime de ses préjugés et de faire de la critique systématique.
Voici, par exemple, comment Adi Kent Thomas Jeffrey implore son lecteur : « Levons nos visages vers les voiles du mystère. Ne couvrons pas nos sens de l'armure du doute et du scepticisme. Ne nous vêtons pas de l'habit de l'étroitesse d'esprit sous le couvert d'un prétendu bon sens ».
Étroitesse d'esprit? Il faudrait d'abord s'entendre sur le sens des termes. Il nous reste certes beaucoup à apprendre sur l'univers dans lequel nous vivons. Toutefois, il faut reconnaître objectivement que les défenseurs du « mystère » du Triangle des Bermudes n'opposent aucun argument valable à leurs détracteurs.
L'étude des phénomènes inexpliqués ne manquera pas, un jour, de porter ses fruits. Mais seulement si elle est menée sérieusement. Or, ce n'est pas en cultivant le sensationnel ni en négligeant de vérifier leurs sources, comme le font trop d'auteurs dans le cas du Triangle des Bermudes, que la science avancera.
Astral 2000 – Gérard – Novembre 2018