LES LOUPS-GAROUS

- LYCANTHROPES ET LYCANTHROPIE -

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Partie 5

Quelles explications les médecins contemporains donnent-ils à ce phénomène des loups-garous ?

Blessés, les loups-garous transmettent leurs plaies à l'homme qui est en eux. L'un des exemples les plus frappants de « transmission de blessure » date du début du XVIIIème siècle.

Au cours de l'été 1721, un fermier allemand des environs de Carsburg faisait les foins avec sa femme lorsque celle-ci se trouva soudain en proie à une grande agitation : elle ne pouvait, disait-elle, rester plus longtemps. Elle s'éclipsa en avertissant son époux que, s'il apercevait une bête sauvage, il devait lui jeter simplement son chapeau et s'enfuir.  

Alors qu'elle venait de partir, les faneurs aperçurent un loup nageant dans la rivière proche et se dirigeant vers eux. Le fermier lui lança son chapeau et l'animal le mit en pièces. Mais, avant qu'il ait pu battre en retraite, un homme accourut, armé d'une fourche, et cloua le loup au sol. Alors que la bête agonisait, elle changea subitement de forme et l'on vit apparaître... la femme du fermier.

L'histoire est-elle réelle ou imaginaire ? Nous l'ignorons. Toutefois, la tradition veut que l'un des plus sûrs moyens de contraindre un loup-garou à reprendre son apparence humaine est de le blesser grièvement. Doit-on voir là une indication de la véritable nature des loups-garous ? Sont-ils des fantômes projetés par les hommes?

Lycanthropie 13

Les récits et les légendes des Grecs et des Romains (et dans une moindre mesure des Arabes) mentionnent des créatures qu'on peut assimiler aux loups-garous. Toutefois, le phénomène allait prendre une ampleur incomparable au Moyen Âge. A cette époque, en effet, la métamorphose en animal était considérée comme fort naturelle (c’est encore le cas, d'ailleurs, dans certaines régions isolées de Scandinavie et d'Europe centrale où les superstitions populaires sont restées singulièrement vivaces).

La superstition (cette religion des esprits faibles, selon le mot de l'homme d'État anglais Edmund Burke) entre certainement pour une grande part dans la légende des loups-garous. Purement imaginaire sans doute à l'origine, le mythe du loup-garou s'est enrichi au cours des siècles de nombreux éléments folkloriques, historiques, démonologiques, et constitue une manifestation passionnante de la psychologie collective. La science moderne ne peut expliquer que certains éléments de cette superstition dont de nombreux aspects restent obscurs en raison de l'éloignement dans le temps. Sur bien des points, nous ne pouvons que formuler des hypothèses.

Depuis des siècles, voire des millénaires, les civilisations humaines ont mis l'accent sur ce qui nous distingue précisément des espèces animales. Nos instincts les plus primitifs sont par conséquent mis en sommeil ou sévèrement réprimés sous le poids des institutions sociales. Mais ce processus évolutif (allant des sauvages primitifs aux civilisations les plus raffinées) est en réalité lent. Et il se produit ce les psychologues appellent l'atavisme : réapparition d'un type ancestral.

C'est ainsi qu'on voit naître, au sein de civilisations évoluées, des êtres aux appétits bestiaux, que leur instinct pousse à commettre des crimes ou à se repaître de chair humaine. Nous considérons aujourd'hui ces individus comme des cas pathologiques, mais il était normal que le Moyen Âge mystique et avide de merveilleux ait vu là un signe de possession diabolique : le loup-garou ne pouvait donc être qu'une créature de Satan.

Par rapport à une époque où l'on admettait comme possible la métamorphose d'un homme en animal, il est donc logique d'attribuer à des êtres cruels et sanguinaires la faculté de se transformer en loups-garous.

Nous savons que les mythes liés aux animaux se transforment ou disparaissent progressivement à mesure que s'éteignent les espèces auxquelles ils se rapportent. Autrefois, les Sioux du Dakota du Nord croyaient en l'existence de monstres gigantesques capables de dévorer plusieurs hommes. S'ils n'ont pas oublié leurs anciennes légendes, ces Indiens savent aujourd'hui que cette superstition était liée à la découverte d'ossements de mastodontes préhistoriques, assez abondants dans les plaines du Dakota du Nord.

A l'origine du mythe du loup-garou, peut-être faut-il voir certaines coutumes des clans primitifs : les chasseurs, lorsqu'ils s'aventuraient loin de leurs feux, se camouflaient sous la dépouille d'un animal pour mieux surprendre leurs proies. Et ils erraient ainsi comme des loups tenaillés par la faim. Ruse de chasse, mais aussi fétichisme et pratique magique. En revêtant ce déguisement, le guerrier espérait acquérir toutes les vertus de la bête. De là à imaginer que l'homme pouvait se transformer réellement en animal, au moins partiellement (selon les parties du corps de l'animal utilisées), il n'y avait qu'un pas.

Loup garou

Ainsi, les loups-garous qui, dans les légendes de certaines tribus indiennes d'Amérique du Nord, gardent en partie leur silhouette humaine (seuls leur tête, leurs mains et leurs pieds sont ceux d'un animal), sont indubitablement issus de la tradition ancestrale ? De même, la tunique magique (ou la ceinture magiques) faites d'une peau de loup, qui permet aux sorciers de se transformer en loups-garous et qui apparaît dans de nombreux folklores européens, est sûrement une réminiscence d'un passé lointain. Au tout début du XVIIème siècle, Jean Grenier âgé de treize ans, fut accusé d'être un loup-garou et jugé pour le meurtre de plusieurs enfants, les magistrats furent plus humains que dans d'autres cas : était-ce dû à son très jeune âge, ou à l'opinion des docteurs qui le croyaient victime d'une hallucination nommée lycanthropie? Toujours est-il que le garçon échappa au supplice et fut condamné à la réclusion à vie au couvent des Cordeliers à Bordeaux.

Le fait de considérer les loups-garous comme des déments n'était toutefois pas entièrement nouveau. Depuis quelques années déjà, quatorze personnes jugées comme sorciers ou comme loups-garous avaient été acquittées. Néanmoins, le cas Grenier est significatif : les juges ne pouvaient plus ignorer les travaux de la médecine et étaient eux-mêmes de plus en plus convaincus que beaucoup de soi-disant loups-garous étaient en fait des malades mentaux souffrant de délires hallucinatoires et que les drogues ou les incantations magiques n'y étaient pour rien.

De cette époque date également la distinction fondamentale entre loup-garou et lycanthrope, le loup-garou étant la créature mythique et le lycanthrope, le malade mental. Cette étrange maladie passionne alors le monde savant. Robert Burton, dans son fameux traité médical Anatomie de la mélancolie, parle de la « folie du loup » qui caractérise « les hommes qui hurlent la nuit en errant dans les cimetières et les campagnes et qui sont réellement convaincus qu'ils sont des loups ». Quant à Alfonso Ponce de Santa Cruz, physicien espagnol de l'époque de Philippe II, il attribue ce dérèglement à une humeur morbide, issue de la bile, qui envahit cerveau.

Aujourd'hui, pour les médecins, il ne fait pas de doute que la lycanthropie est une affection psychiatrique. Pour certains, elle peut dériver de l'hypocondrie. Une Histoire mondiale de la psychiatrie, publiée en 1975, cite à cet égard un exemple typique : « Le patient âgé de trente ans, tomba d'abord dans une prostration mélancolique, qui tourna bientôt à la monomanie : il se croyait transformé en loup (lycanthropie). Il fuyait le voisinage des hommes et se réfugiait dans les montagnes où il hurlait à la lune, et visitait les cimetières en adressant des invocations aux morts ».

Le docteur Thomas Freeman, psychiatre attaché au Holywell Hospital d’Antrim (Irlande du Nord), a une grande expérience de la lycanthropie et des diverses hallucinations qu'elle peut provoquer. Dans son ouvrage, désormais classique sur "La Psychopathologie des psychoses", il cite le cas d'un patient soucieux de savoir s'il était un homme ou une femme. Il confia un jour à une infirmière qu'il était entouré de paranoïaques à moitié hommes et à moitié femmes se nourrissant de chair humaine. Il était persuadé qu'une doctoresse était un vampire depuis qu'il l'avait vue effectuer des prises de sang.

On peut imaginer comment ces âmes troublées, à une époque plus reculée et moins scientifiquement rationnelle, pouvaient aussi aisément avouer être des loups-garous et s'accuser de forfaits sanglants. Que la superstition ait été responsable du supplice de centaines de malades accusés d'être des loups-garous, c'est un fait avéré. Mais on peut aussi se demander si cette frénésie inquisitoriale ne masquait pas des appétits morbides et malsains. Les accusateurs les plus fanatiques devaient sans doute souffrir d'obsessions et de troubles mentaux.

L’anthropologiste anglais Robert Eisler, dans son célèbre ouvrage traitant du sadisme, du masochisme et de la lycanthropie, Man into wolf (1951), mentionne le grand roi-guerrier babylonien Nabuchodonosor. Si l’on en croit les écrits, il aurait également été atteint d’une sorte d’étrange acccès de lycanthropie après avoir encouru la colère divine : « Il fut chassé du milieu des  hommes, il mangea de l'herbe comme les bœufs, son corps fut trempé de la rosée du ciel; jusqu'à ce que ses cheveux crussent comme les plumes des aigles, et ses ongles comme ceux des oiseaux » (Daniel, IV, 33.).

Pour le psychanalyste américain Nador Fodor, la lycanthropie n'est pas tant un état psychologique qu'un révélateur des mécanismes psychiques. Le docteur Fodor attache une grande importance aux rêves, surtout s'ils font intervenir les métamorphoses, les effusions de sang et les meurtres. Les interprétations qu'il a données de tels rêves lui ont fourni la matière pour la rédaction de plusieurs ouvrages et d'un important article publié dans le Journal of American folklore en 1945. Voici l'un des exemples qu'il cite : « Une femme londonienne s'éveillant au matin aperçoit dans la cheminée un animal dont la silhouette rappelle celle d'un loup et qui la fixe de ses yeux flamboyants. Terrorisée, elle allume la lumière et l'apparition s'évanouit. Elle croit qu'il s'agissait d'un loup-garou. Comme son analyste lui demande d'effectuer des associations d'images, elle identifie le loup à un homme qu'elle a connu autrefois en France. Un soir, il avait fait irruption dans sa chambre, menaçant de l'étrangler si elle ne quittait pas son mari pour le suivre. Ce sont ses yeux, tout particulièrement (bruns, grands et cruels) qui ont suscité cette assimilation avec le loup-garou. Ce rapprochement spontané nous livre la clé de l'hallucination de cette femme : le regard flamboyant du loup est le reflet de ses désirs sexuels refoulés et la cheminée, où il est apparu, symbolise les passions inavouées qui attisent sa chair ».

Nous voyons donc que la lycanthropie et les loups-garous constituent un sujet d'étude fort complexe, à propos duquel il faut se garder de porter des jugements prématurés. Il est pour le moins souhaitable, avant d'aborder ce domaine, d'avoir quelques connaissances à propos du cannibalisme, de la magie noire, de l'aliénation, du sadisme, de troubles cérébraux, des croyances populaires, des projections astrales,... sans oublier les effets de la rage. Il est fort possible en effet que les Anciens aient confondu les symptômes de la lycanthropie avec ceux de la rage qui peut être ensuite transmise à l'homme : les sujets atteints sont irrésistiblement poussés à mordre tous ceux qu'ils rencontrent, répandant ainsi ce fléau. 

Lycantrope

Pendant des millénaires, la gueule écumante a été considérée comme l'un des signes distinctifs des loups-garous, mais c'est aussi un symptôme typique de la rage. Rappelons-nous qu'Ovide décrivait la métamorphose de Lycaon en ces termes :

« En vain, il tenta de parler. En cet instant même

L'écume lui vint à la bouche, qui s'ouvrit sur des crocs luisants.

Il fut désormais altéré de sang, ravageant les troupeaux

Et ne rêvant plus qu'à des massacres sanglants ».

De même que la rage se contracte à la suite d'une morsure, la tradition voulait que quiconque soit mordu par un loup-garou devienne loup-garou à son tour. On peut donc imaginer les terribles angoisses des paysans, pour qui un loup enragé n'était autre qu'un loup-garou. Ils ne pouvaient pas savoir qu'il s'agissait des symptômes de la rage.

Cette hypothèse s'accorde trop bien avec les faits pour qu'on puisse la rejeter entièrement. Mais elle ne suffit sans doute pas à expliquer la force de la superstition populaire ni son aspect onirique. Il est aussi vraisemblable que dans l’Histoire, les drogues, plus répandues que nous ne l'imaginons généralement, aient pu jouer un rôle important. Il est bien évident que, par exemple, une forte dose de belladone peut aider n'importe qui a avoir des hallucinations.

Certaines personnes, aujourd'hui encore, sont convaincues que les loups-garous ont réellement existé. La métamorphose animale a de tout temps exercé une grande fascination sur les hommes, contribuant ainsi à la permanence de mythe. Il est tellement enraciné dans l'inconscient collectif qu'il est presque impossible de démêler le vrai du faux.

 

ASTRAL 2000- Gérard – Août 2016

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