La chiromancie

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The Fortune Teller Caravaggio Louvre" La Diseuse de bonne aventure" - Michelangelo Merisi da Caravaggio ( Caravage ou le Caravage ) - 1594

La chiromancie souffre quelque peu de son assimilation avec ce qu'on appelle en langage populaire « lire les lignes de la main ». En effet, elle ne se limite pas à l'examen de la paume, mais elle s'intéresse à tout ce qui concerne la main, du bout des doigts jusqu'au poignet, et même parfois aux ongles, bien que les onychomanciens (Onychomancie : divination par le reflet des ongles), s'il en reste encore, estimeraient que ce domaine leur est réservé. Plutôt que de parler de lignes de la main, il est donc plus juste d'utiliser les mots venant du mot grec cheir (main) qui a donné chirosophie ou chirologie, assez peu employés, les spécialistes leur préférant chirognomonie « étude du caractère par la main » et surtout chiromancie « prédiction de l'avenir d'après la main ».

Cette forme populaire de divination a une très longue histoire, même si ses fervents ne sont jamais parvenus à prouver qu'elle remonte, ainsi qu'ils le croient, à la plus lointaine préhistoire. On peut certes en trouver trace dans les écrits védiques de l'Inde ancienne, il y a trois mille ans, et il y est fait allusion dans des textes chinois contemporains, voire antérieurs. En Occident, on cite généralement Aristote comme le premier écrivain de l’Antiquité qui en parle. Certains voient cependant déjà une allusion à la chirognomonie dans un texte biblique, tiré du livre de Job, où il est dit que Dieu « met un sceau sur la main de tous les hommes, afin que tous se reconnaissent comme ses créatures » (XXXVII). En ce qui concerne Aristote, une légende voulait que le philosophe eût découvert la chiromancie en Égypte, dans un traité, écrit sur feuilles d'or, qu'il trouva abandonné sur un autel d'Hermès. Il l'envoya (l'ouvrage était en langue sémitique) à Alexandre le Grand, lequel finançait son voyage d'études au Moyen-Orient. Cependant, il est parfaitement possible que l'art et la science de la chiromancie soient effectivement passés de l'Asie en Grèce et de là, ainsi que la plupart des autres formes de la connaissance humaine, dans le reste de l'Europe. Son expansion rencontra aussitôt l'approbation de Pline, le savant romain, et les sarcasmes du satiriste Juvénal.

Les manuscrits du Moyen Âge y font fréquemment allusion. Leurs auteurs consacrèrent à la chiromancie toutes les heures qu'ils pouvaient dérober à l'alchimie, à la théologie et aux préoccupations plus habituelles du savoir de l'époque. Naturellement, les rapports entre la chiromancie et l'astrologie étaient inéluctables. On a souvent considéré la chiromancie comme une simple sous-classe de la physiognomonie, qui alors était à son apogée et constituait la quintessence et la meilleure systématisation de l'étude du caractère. Par la suite, de nombreux chercheurs, que leurs travaux dans les domaines du mysticisme et de l'occultisme ont rendus célèbres, apportèrent leur contribution à la littérature chiromancienne; citons, parmi eux, Paracelse et Robert Fludd. Aux XVIème et XVIIème siècles, les manuels affluèrent et les règles, les paramètres systématiques de la lecture des lignes de la main furent solidement établis, malgré la tradition orale qui se perpétuait et qui était propagée par les gitans d'Europe. Les liens avec la physiognomonie, pas plus qu'avec l'astrologie, n'avaient encore été rompus. L'astrologie demeurait toujours étroitement liée à la chiromancie, introduisant peut-être un élément plus éthéré dans un art souvent trop limité par son objet.  

Au XIXème siècle, l'importance de la physiognomonie était en régression en dépit d'un courant d'intérêt, relativement bref, pour une nouvelle branche de cette discipline, la PHRÉNOLOGIE (divination et étude caractérielle d'une personne par la structure du crâne). Seule la chiromancie résista à cette désaffection et conserva toute sa popularité. On écrivit de très nombreux livres pour conférer à la « chirologie » un statut, une respectabilité. Ainsi, l'ouvrage « Laws of Scientific Hand Reading » (Les lois d'une chiromancie scientifique) de l'Américain William G. Benham, paru en 1900, tentait de libérer le sujet de ses connotations charlatanesques pour lui donner une coloration rationnelle, rassurante. Le comte Louis Hamon, qui se faisait appeler « Cheiro », contribua également par ses écrits à améliorer la réputation, et surtout à renforcer la popularité de la chiromancie.

W g benhamW G Benham

Cheiro semble avoir été un charlatan, doté d'un certain bagou, qui sut exploiter avec intelligence la mine d'or qu'il avait découverte, même si, en fait, il n'eut jamais de la chiromancie qu'une connaissance très imparfaite, tant sur le plan de l'histoire que de la théorie. Toutefois, à en croire les récits de ses innombrables clients qui, dès les années 1890, comprenaient des personnes riches, célèbres, respectables et irréprochable, la justesse de ses prédictions était proprement stupéfiante. La liste des événements qu'il a selon toute apparence prédits, est pratiquement interminable; on y trouve, entre autres, la date exacte de la mort de la reine Victoria, d'Edouard VII et de Lord Kitchener. Son cas demeure une énigme et un sujet de controverse, de nos jours encore. Il n'est pas impossible que cet homme si plein d'assurance ait un jour découvert, à sa propre surprise, qu'il possédait effectivement le don dont il se prévalait; il fut en tout cas une personnalité de premier plan en matière de chiromancie, ainsi qu'en témoignent les nombreuses rééditions de ses livres.

Un des avantages de la lecture des lignes de la main est, certes, son apparente simplicité. Elle ne nécessite aucun accessoire particulier, boule de cristal, éphéméride ou lames du Tarot. L'opérateur a toujours, si l'on peut dire, sous la main le matériel lui permettant de lire l'avenir. Une fois acquises quelques idées de base (telle forme des doigts indique ceci et telle ligne de la main cela), on peut se lancer dans la « chiromancie de salon » avec ses amis, en affirmant que les complexités et les subtilités de cet art s'acquerront ensuite automatiquement, si tant est qu'on puisse un jour y parvenir. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que les devins amateurs placent la chiromancie au même niveau que la lecture du marc de café (Cafédomancie ou caféomancie). Mais dès qu'on abandonne cet amateurisme, la lecture et l'interprétation des lignes de la main comportent des exigences qui en font une technique bien supérieure au simple coup d'œil jeté dans le fond d'une tasse de café.

Louis hamon cheiroLouis Hamon  - "Cheiro"

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Les divers types de main

Chiromancie ou chirologieLe chiromancien commence par se faire une opinion générale avant de concentrer son attention sur les détails.

On admet généralement que la main gauche révèle les prédispositions héréditaires du sujet, alors que la droite dénonce sa personnalité et ses potentialités (chez les gauchers, c'est l'inverse). Aucun chirognomoniste sérieux ne se contenterait de n'en lire qu'une seule. En commençant par considérer les mains du sujet à distance, le chiromancien peut déjà déduire un certain nombre de choses de la façon dont celui-ci en fait usage, encore que cette «lecture des gestes» (communication non verbale) ne relève pas à proprement parler de la chiromancie. La plupart d'entre nous reconnaîtront qu'une personne qui a des gestes brusques ou violents est assez nerveuse et dotée d'un tempérament peut-être agressif; que les gestes alanguis, ou extravagants, ou gracieux, sont révélateurs de la personnalité de leur auteur, comme l'est aussi l'habitude d'enfouir ses mains dans ses poches ou de les dissimuler en se croisant les bras.

Les dimensions et la forme de la main sont des éléments plus importants. Le besoin que l'homme a toujours éprouvé de classer les individus d'après tels ou tels critères, a donné naissance, en chirognomonie, à divers systèmes de caractérisation des mains. La division en sept catégories essentielles, établie au XIXème siècle par le chiromancien français Casimir Stanislas d'Arpentigny, est l'une des plus connues. On y trouve d'abord la main élémentaire, primitive, épaisse, large et puissante. Le possesseur d'une telle main sera, de toute évidence, considéré comme lent d'esprit, doué d'un solide bon sens, terre à terre, sans doute un travailleur manuel. La main spatulée, en forme de bêche, plate avec des doigts très droits, est celle d'une personne énergique, fine et ambitieuse. La main carrée indique naturellement un être pratique, ordonné, intelligent. La main philosophique, à la paume large et aux phalanges assez osseuses, correspond à un tempérament rationnel et logique. La main artistique est souvent longue, ou semble l'être, et peut être extrêmement souple; elle ne dénote pas seulement des goûts artistiques mais aussi l'intellectualisme et parfois une tendance au sybaritisme. La main conique ou idéaliste, délicate et belle, est celle d'un esthète dépourvu de sens pratique. Et, enfin, la main mixte vient compliquer l'ensemble du système en révélant une combinaison de quelques-unes des catégories précédentes.

Casimir stanislas d arpentignyCasimir Stanislas d'Arpentigny - Travaux

Une autre autorité du XIXème siècle en matière de chiromancie, l'Allemand Carl Gustav Carus, se contenta pour sa part de quatre grands types de main, soit une classification plus large mais aussi plus commode que le système complexe de d'Arpentigny. Carus, lui aussi, commençait par la main élémentaire de forme grossière, épaisse, attribuée à l'ouvrier manuel. Un peu moins animalisée, la main motrice, que Carus semble avoir observée chez les habiles artisans, techniciens et hommes d'affaires, est forte, souple, assez grande, et révélatrice d'une nature gaie, pratique, extravertie. La main sensible est relativement petite mais extraordinairement souple; elle révèle des qualités d'énergie, d'émotivité, peut-être d'absence de sens pratique et de versatilité. La  quatrième est la main psychique, mince, effilée, douce et jolie, dénotant une personnalité floue, intuitive, sensible, sans grand contact avec la réalité.

Carl gustav carusCarl Gustav Carus

Ce système a cependant le désavantage de négliger bon nombre d'aspects de la personnalité. Une autre classification en quatre groupes, création d'un chirognomoniste moderne, Fred Gettings, apparait plus complète. Pour arriver à ses quatre types de main, il établit un rapport entre la taille de la paume et la longueur des doigts, qu'il assortit d'une référence aux quatre éléments: la terre, le feu, l'air et l'eau. Vient en premier lieu la main pratique, paume carrée et doigts courts: c'est la main terrestre, celle des gens «du ras du sol», sûrs d'eux et dotés de bon sens. Suit alors le type intuitif, paume longue et doigts courts: main liée au feu et indiquant une nature individualiste, ambitieuse, changeante, active. La main sensible a la paume longue avec de longs doigts; elle est liée à l'eau et peut être un signe d'introversion, d'instabilité, d'émotivité et d'une tendance aux fantasmes. La quatrième est la main intellectuelle, forme carrée, doigts longs; liée à l'air, elle est révélatrice d'une personnalité ordonnée, communicative, sensible aux impressions extérieures.

Fred Gettings

Fred Gettings

Naturellement, les interprétations que donne Gettings de ces différents types sont riches en prolongements et en modifications, mais il n'empêche qu'il faudrait rendre justice à ce système apparemment satisfaisant. Gettings aura du moins donné une image du type d'interprétation générale que peut, au premier coup d'œil, fournir un chiromancien d'après la forme de la main du sujet. II devra, par ailleurs, se montrer également attentif à la souplesse ou à la rigidité de la main (qui relèvent de traits de caractère identiques), à la texture de la peau (qui révèle de la sensibilité), à la transpiration (tout le monde connaît le sens d'une main froide et moite), voire à la pilosité, à la couleur générale et à toutes les taches de la peau, tout cela ayant, depuis des siècles, fait l'objet d'analyses et d'explications exhaustives, voire parfois abusives (la pilosité est, dit-on, un signe de sensualité). Après avoir considéré la main dans son apparence générale, comme un tout, le chiromancien étudie alors les choses de plus près et en examine les différentes parties. Il fera enfin la synthèse des différents résultats obtenus pour bâtir une interprétation complète. Il peut évidemment commencer par où bon lui semble, et il lui arrive d'entamer son enquête par les doigts.

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Les doigts

DoigtsIl nous faut mentionner d'abord quelques interprétations toutes faites de la forme des doigts, chères aux amateurs. Certaines font partie du «folklore» quotidien relatif au tempérament: dans la croyance populaire comme dans la divination, les doigts longs sont censés être un indice de sensibilité, à l'inverse des doigts courts. De même, les bouts de doigt pointus indiqueraient certaines facultés d'imagination, les bouts de doigt carrés seraient signe de rationalisme, les bouts spatulés révéleraient une nature active. Une autre tradition, moins banale, veut que les doigts aux phalanges prononcées appartiennent à une personne dotée de logique et de méthode; les doigts lisses sont un signe d'intuition, les gros doigts boudinés évoquent une idée de sensualité, les grands doigts sont un indice de persévérance, les doigts difformes trahissent la méchanceté, les doigts bien séparés signifient indépendance. Un grand pouce révèle une forte personnalité, un pouce recourbé vers l'intérieur est un signe d'introversion, recourbé vers l'extérieur, un indice d'extraversion, et dans les histoires de vieilles femmes, on a donné le nom de pouce d'assassin à celui dont la première phalange (porteuse de l'ongle) apparaît particulièrement renflée.

Au moment d'aborder les doigts un par un, le chiromancien se montre attentif au zodiaque car c'est là que se situe l'un des points de jonction entre la chiromancie et l'astrologie. Chaque doigt se voit désigné d'après un dieu gréco-romain, dont il partage les caractères; trois des doigts tirent leur nom de dieux qui sont aussi des planètes.

L'index, qui domine ses quatre voisins, correspond à Jupiter, le royal dieu-planète, le maître. Ce doigt annonce la réussite potentielle du sujet dans la vie extérieure. Un index court, plus court que le troisième doigt, pourra donc être un signe d'insécurité, d'incapacité à faire face; mais un doigt de Jupiter fort, surtout s'il s'accompagne d'un pouce puissant, signifie succès et parfois même une autorité dictatoriale.

Le deuxième doigt (le majeur) est lié au vieux Saturne, froid et austère et, s'il est très grand, il peut révéler une froideur proportionnelle. On dit parfois qu'un très long majeur est un signe de déséquilibre mental, voire de tendances suicidaires; un doigt de Saturne court, au contraire, indique une personne intuitive, éventuellement créatrice.

L'annulaire appartient à Apollon, dieu complexe qui patronne les arts, la médecine et les oracles, mais aussi le Soleil, ce qui nous ramène à une référence astrologique. Traditionnellement, ce doigt est censé révéler la qualité de sentiment du sujet: bien formé, il témoigne d'une certaine instabilité sentimentale; long, d'une introversion profonde. Selon une vieille croyance populaire, une veine ou une artère relie directement le troisième doigt de la main gauche au cœur, d'où le symbole d'amour consistant à porter à ce doigt l'alliance ou la bague de fiançailles. Cette croyance se reflète aussi dans la chiromancie, selon laquelle un annulaire difforme annonce une prédisposition aux malaises cardiaques.

L'auriculaire est rattaché à Mercure, la tradition voulant qu'il révèle la nature des rapports humains entretenus par le sujet. S'il est séparé des autres doigts, cela signifie difficulté dans ces rapports; si le doigt avance lorsqu'il est au repos, la difficulté peut être d'ordre sexuel. Un auriculaire long dénote des goûts intellectuels et un manque de sens pratique; un auriculaire exagérément court révélerait une déficience mentale.

II est possible de pousser les choses encore plus loin si le chiromancien examine séparément chacune des parties des doigts. Chaque phalange des doigts et du pouce possède sa signification propre; par exemple, l'étroitesse de la seconde phalange du pouce est le signe d'une tendance à l'impulsivité; une première phalange forte signifie abondance d'énergie mais faible résistance; une première phalange du doigt de Saturne recourbée vers l'intérieur annonce des difficultés sentimentales. Les chiromanciens attachent aussi une grande importance à l'examen du bout des doigts : si une sorte de bourrelet de chair particulièrement sensible se forme au bout du doigt, c'est le signe d'un grand talent créateur. Les ongles aussi sont très parlants pour le chiromancien; on prétend que les ongles carrés dénotent le sens pratique (c'est ainsi qu'on interprète généralement les formes carrées), que les ongles courts et ronds révèlent la convoitise, et les ongles exceptionnellement courts, le fanatisme.

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Les monts et les lignes

Après avoir recueilli ces renseignements digitaux, le chiromancien tournera généralement ses regards vers les zones charnues de la main qui entourent le centre de la paume et ont entre elles des rapports étroits. On les appelle des monts et elles sont explicitement liées à l'astrologie. La partie charnue située à la base du pouce forme le mont de Vénus et on l'associe aux mêmes thèmes que la planète: un mont important dénote une abondante énergie physique et une forte sensualité. De l'autre côté de la main se situe le mont de la Lune qui, bien développé, est un indice d'imagination et de créativité, ou, à l'extrême, d'irrationalisme et même de folie. Un mont de la Lune peu développé suggère l'instabilité (la Lune changeante) et le goût de s'immiscer dans la vie d'autrui.

Les differentes montsLes monts

Les autres monts se trouvent à la base des doigts, auxquels ils empruntent leurs noms. Un grand mont de Jupiter (index) signifie beaucoup d'ambition; un grand mont de Saturne (majeur) dénote du sérieux, avec une tendance à la morosité; un grand mont d'Apollon ou du Soleil (annulaire) est un signe d'extraversion; un grand mont de Mercure (auriculaire) dénonce un esprit critique. Mais il est bien certain qu'on ne peut se contenter de considérer les monts isolément: par exemple, l'union apparente des monts Jupiter et Saturne indique une tendance à l'indélicatesse et à la cruauté.

Une fois ces informations rassemblées et leurs rapports établis, le chirognomoniste concentre son attention sur les caractéristiques de la main qui occupent la plus grande place dans l'idée que se font les gens de la chiromancie: à savoir les lignes de la main. Celles-ci portent des noms usuels s'appliquant aux différents secteurs de l'existence du sujet auxquels elles sont censées correspondre : la première, et probablement la plus importante, étant la ligne de vie, qui décrit une courbe descendante en direction du poignet.

Les lignes de la main Les lignes :

1 : ligne de vie ; 2 : ligne de tête ; 3 : ligne de cœur ; 4 : anneau de Vénus ;

5 : ligne de Soleil ; 6 : ligne de Mercure ; 7 : ligne de chance

Les chiromanciens modernes compétents ne prétendent pas pouvoir prédire la durée de la vie d'après la longueur de cette ligne (1). Ils préfèrent dire plutôt qu'elle indique le degré de vitalité physique du sujet, en insistant sur le fait qu'une vitalité ou énergie limitée n'est pas nécessairement le signe d'un décès prématuré. Mais la plupart des chiromanciens rechercheront les ruptures de la ligne, les croisements avec des lignes de moindre importance, pour y trouver l'indication d'un mauvais état de santé à des degrés de gravité divers. Simultanément, une apparente brisure peut n'être en réalité qu'un tournant dangereux ou un dénivellement, sans aucun rapport avec la santé mais indiquant un énorme changement dans l'orientation ou la qualité de la vie.

Les départs de lignes ont une importance cruciale: une ligne de vie qui se présente comme un affluent partant du même niveau que la ligne de tête peut être l'indice d'une nature froide, calculatrice (dominée par la tête plutôt que par le corps). Si la ligne de vie commence au-dessus de la ligne de tête, cela dénote une personnalité gaie, sans complexe.

La ligne de tête (2) balafre la paume jusqu'en son milieu et s'applique aux tendances et aux capacités du sujet. Longue, elle laisse deviner une grande intelligence, assortie d'une puissance d'imagination si la ligne s'incurve en direction du mont de la Lune. Plus cette courbe en direction du poignet est prononcée, plus l'imagination tient une place dominante, susceptible d'aller jusqu'au déséquilibre. Si la ligne présente l'aspect d'une chaîne, elle indique une activité intellectuelle irrégulière en raison d'une faible concentration.

La ligne de cœur (3) exige une petite explication : les chiromanciens amateurs aiment à insister sur cette ligne, cherchant à découvrir les ruptures, signe de changements d'affection, d'inconstance, etc., ou, au contraire, une longue ligne bien dessinée, indice de sentiments profonds, de fidélité et de saine sexualité (et d'une absence de troubles cardiaques car le cœur, qu'on le prenne dans le sens réel ou métaphorique, est traditionnellement lié à cette ligne). Un bon chirognomoniste interprétera la ligne de cœur en liaison avec celle de tête pour voir comment s'établissent les rapports et l'équilibre entre le cerveau et les sentiments, et aussi pour constater la présence éventuelle de la ligne dite simiesque, quand les deux lignes se confondent, signe de mauvais augure sur lequel nous reviendrons ultérieurement.

La ligne du destin, qui traverse la paume verticalement en direction du doigt de Saturne, est supposée se trouver au centre de la chiromancie divinatoire. Comme il se doit, sa forme peut varier considérablement. On dit d'une ligne bien tracée qu'elle indique une forte personnalité et la faculté de s'adapter aux circonstances. Il est intéressant de constater que cette ligne est, plus que toute autre, susceptible de se modifier pendant la jeunesse, peut-être parce que cette époque est celle où l'on fait le plus de choix, où prennent corps le plus de possibilités, contribuant à «fixer» la destinée d'un être.

Les lignes mineures comprennent l'anneau de Vénus (4), qui forme une courbe au-dessous des doigts de Saturne et d'Apollon et qui, prononcée, révèle une nature hautement sentimentale. La ligne d'Apollon, qui s'élève en direction de l'annulaire, indique le degré de créativité et, selon certains, la capacité d'intuition; de nombreuses petites lignes, au lieu d'une seule ligne précise, marquent une abondance (peut-être une surabondance) de domaines d'intérêt.

La ligne de Mercure (6) (parfois appelée ligne de l'intuition) doit prendre naissance dans la ligne du destin, ou tout près, pour aboutir au mont de Mercure; si elle est bien nette, elle dénote une grande capacité psychique. Certains chiromanciens examinent la ligne hépatique ou ligne de santé, dont la diagonale prend naissance à proximité de la ligne de vie et aboutit près du mont de Mercure; elle est censée fournir certaines indications concernant la santé potentielle du sujet: les brisures indiquent des troubles digestifs, la forme en chaîne des maux de tête. Les lignes qui entourent le poignet, à la base de la main, et qu'on appelle rascettes ou bracelets, ont leur signification particulière: trois rascettes bien nettes annoncent santé et richesse en perspective, mais si elles dessinent une chaîne, cela signifie que le sujet devra faire bien des efforts s'il veut éviter un échec. Si une ligne part des rascettes en direction du mont de Jupiter, c'est le présage d'un bon mariage.

Il existe, enfin, d'autres traits mineurs que le chiromancien peut prendre en considération : des petites taches, ou des petits dessins en forme d'étoiles, de croix, de carrés, de triangles et autres. Voici quelques exemples des explications que l'on trouve habituellement dans les manuels destinés aux amateurs: une étoile (sur un mont) peut vouloir dire célébrité, des points annoncent une maladie, une croix sur une ligne signifie trauma, un carré indique la stabilité, une île est le signe d'un obstacle à surmonter.

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Les développements modernes

MainParvenu à ce point, l’envie vous poussera peut être à examiner votre propre main, non sans une certaine perplexité, en vous demandant si l'on peut vraiment dégager un sens quelconque de toutes ces lignes et rides. Un chirognomoniste vous répondrait qu'en cet art comme en tout autre, le fait de ne pouvoir le maîtriser immédiatement ne l’infirme pas pour autant. Mais cela conduit le non-spécialiste, ni fervent adepte ni sceptique à tous crins, à poser la question cruciale: l'art du chiromancien comporte-t-il une part de valeur, une part d'exactitude?

Tout d'abord, bien des gens inclinent à croire à la chiromancie, ou du moins à faire taire leur scepticisme, pour la simple raison qu'il semble, d'une manière ou d'une autre, logique que l'on puisse trouver dans notre chair certaines indications sur notre personnalité et nos possibilités, plutôt que dans les mouvements d'étoiles incommensurablement lointaines, dans la disposition fortuite du marc de café ou dans le brassage de morceaux de carton décorés. Et, de fait, comme nous l'avons dit, il n'est pas un psychologue pour nier que la façon dont une personne se sert de ses mains, que son activité manuelle et gestuelle peuvent nous renseigner sur sa personnalité. En outre, aucun savant pratiquant la science des empreintes digitales ne contestera qu'elles soient propres à chaque individu, permettant ainsi de l'identifier. Or il va de soi que les dessins de la peau de la main sont à l'origine de la chiromancie.

Les gestes révélateurs et les différences entre les empreintes digitales ne semblent-ils pas éloignés de la révélation de l'état de santé d'un individu d'après sa ligne de vie ou de sa puissance sexuelle d'après son mont de Vénus ? Il faut tourner ailleurs ses regards pour découvrir une confirmation de la chirognomonie, si cela est possible. De nombreux chiromanciens veulent la trouver, dans une certaine mesure, dans les recherches d'un psychologue allemand, Julius Spier, lequel consacra une grande partie de son existence à collationner des empreintes de mains, à les étudier et à les classer, en vue de la mise au point de ce qu'il a appelé la psychochirologie. Il choisit pour cela des mains d'enfants, dont les «véritables dispositions», pour employer ses propres termes, ne se sont pas encore concrétisées, de telle sorte qu'on puisse déjà percevoir dans ces mains, dans un but préventif, tous les problèmes psychologiques qu'elles contiennent en puissance, la psychochirologie jouant ainsi, toujours selon ses propres termes, un rôle plus prophylactique que thérapeutique.

Julius SpierJulius Spier

L'essentiel du livre de Spier, « Les mains d'enfants » (le seul qu’il n’ait jamais publié, son acharnement à rassembler, des années durant, son matériel ne lui ayant laissé que peu de temps pour écrire avant de mourir) reflète les divergences existant entre ses interprétations et celles de la chiromancie traditionnelle. Sans doute aucun chirognomoniste ne pourrait-il se permettre d'ignorer les interprétations psychologiques de Spier, mais il semble au contraire que de nombreux psychologues se passent fort bien, pour leur part, de sa chirologie. Néanmoins, l'intérêt pour la chiromancie d'un disciple de Jung (C. G. Jung a écrit une préface à son livre) respectable et sérieux n'est pas sans conférer à celle-ci une certaine crédibilité (ni, d'ailleurs, fournir de nouvelles armes à ceux qui traitent Jung avec mépris en raison de son intérêt pour l'alchimie, l'astrologie et les autres problèmes qui s'y rattachent).

Spier ne fut pas seul. D'autres psychologues se sont convertis à la chiromancie, dont Herta R. Lévi, qui édita et diffusa le livre de Spier. Fin des années 1960, il est dit qu’un pédiatre de Los Angeles aurait réuni dans un épais dossier d'innombrables empreintes de pieds de nouveau-nés. Il affirmait pouvoir prédire, avec précision, les maladies dont souffriront, durant leur vie, les propriétaires de ces pieds. Il est du reste intéressant de rappeler, à ce sujet, que les anciens Chinois interprétaient les lignes des pieds aussi minutieusement que celles des mains, un art qui a, depuis, été pratiquement abandonné.

Au cours des années 1960 et 1970, des chercheurs américains, dans une discipline relativement nouvelle appelée dermatoglyphique, ont découvert et vérifié les corrélations existant entre les empreintes anormales des mains et les troubles physiques innés. Les plus importants de ces troubles sont les complications au niveau des chromosomes, les déficiences cardiaques et autres accidents de ce genre. Parmi les anomalies de la paume, on trouve notamment un grand Y, dont la tige part du poignet et dont les branches s'écartent en direction de l'auriculaire et de l'index. Rappelons aussi cette anomalie, plus importante, appelée ligne simiesque, qui se produit quand les lignes de tête et de cœur se confondent. Cette ligne doit son nom au fait qu'on la rencontre fréquemment chez les grands singes; quand elle apparaît chez l'homme, c'est, selon la tradition chiromancienne, un signe de «dégénérescence», comme le disent les anciens textes, ce qui signifie soit la folie, soit la criminalité, soit la déficience mentale. De nos jours, il est injustifié d'établir un lien entre ces trois états, comme s'ils avaient quoi que ce soit en commun. Mais il est vrai que des recherches très sérieuses, comme celles effectuées par une équipe de médecins à New York en 1966, ont établi que la ligne simiesque apparaît en conjonction avec un retard mental tel le mongolisme, ou les déficiences mentales ou physiques résultant d'une rubéole contractée par la mère durant sa grossesse. En d'autres termes, la présence de la ligne simiesque, d'un Y ou d'une ou de deux autres anomalies moins spectaculaires dans la main d'un bébé devrait inciter les médecins à rechercher avec soin les insuffisances possibles. Si ces signes ne sont pas concluants en eux-mêmes, ils peuvent cependant fournir une indication précieuse.

Main2La chiromancie, cet art dont certains domaines ont été approchés par la science, pourra-t-elle ainsi être reconnue dans son ensemble ? Cela dépendra de la bonne ou de la mauvaise volonté de chacun à se laisser persuader. Si vous êtes convaincu et si vous êtes sur le point d'acheter un livre coûteux sur « La chiromancie chez soi pour en tirer plaisir et profit » afin de pouvoir dire la bonne aventure à vos amis et voisins, voici venu le moment de reprendre, et de souligner, une mise en garde lancée par tous les professionnels. Julius Spier, en bon disciple de Jung, affirme que l'âme humaine « est en état de perpétuel changement ». Il doit donc en être de même de ses manifestations extérieures. Fred Gettings, de son côté, fait observer que les signes de la main sont susceptibles de modifications, correspondant à quelque changement interne; un dessin peut ainsi révéler, à un moment donné, une névrose par exemple, mais avoir entièrement disparu l'année suivante à la suite de quelques soins. Cette réserve vise à défendre la priorité du libre arbitre sur le déterminisme qui va généralement de pair avec la prophétie.

Gettings, et d'autres avec lui, insistent sur le fait qu'il est peu recommandable et dangereux qu'un chiromancien prédise jamais une maladie grave, et plus encore la mort, sur le seul examen d'une main. D’ailleurs, il en va de même pour toutes les mancies, quelle qu’elles soient. En l’occurrence, le chiromancien, étant un homme, peut se tromper; ou bien l'évolution qui se produit à l'intérieur du sujet peut modifier son état de santé, son avenir probable, et la structure extérieure de sa paume. Lui mettre en tête l'idée qu'il peut mourir à telle ou telle date risque de provoquer, au mieux, un état d'angoisse; au pis, le sujet agira inconsciemment de telle sorte que la prédiction se réalise. En d'autres termes, les chiromanciens sont unanimes à déclarer (et qui serait mieux placé qu'eux pour le savoir ?) qu'il n'est pas de mots pour dire à quel point les gens sont influençables.

ASTRAL 2000 – Gérard – Juin 2017

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